Description : En France, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans. Si le
risque suicidaire au cours de l’adolescence est bien documenté, peu de données sont
disponibles en France sur la santé mentale des étudiants et sur les conduites suicidaires
en particulier. La vie étudiante s’accompagne pourtant d’un certain nombre de changements
qui surviennent dans une période de transition vers l’âge adulte, connue comme représentant
une période sensible pour le développement de troubles psychiatriques. L’objectif
principal de cette thèse était d’analyser et de modéliser le risque suicidaire chez
les étudiants, afin d’identifier les individus à risque, à travers deux objectifs
spécifiques : 1) étudier l’association entre les conduites suicidaires et des facteurs
auto-déclarés dans l’enfance et l’adolescence que sont le soutien parental perçu,
la victimisation par les pairs et/ou la maltraitance parentale ; 2) développer un
modèle de prédiction des comportements suicidaires chez les étudiants en utilisant
des méthodes d’apprentissage automatique. Des analyses, menées à partir des données
de la cohorte i-Share, étude prospective longitudinale qui inclut des étudiants volontaires
depuis 2013, ont montré les résultats suivants : 1) un étudiant sur cinq (21%) a rapporté
des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois et 6% ont déclaré des tentatives
de suicide au cours de la vie ; 2) l’absence de soutien parental perçu dans l'enfance
et l'adolescence était associée à une probabilité quatre à neuf fois plus élevée de
présenter des pensées suicidaires occasionnelles (rapport des cotes ajusté RCa : 4,55
; intervalle de confiance IC 95% : 2,97-6,99) ou multiples (RCa : 8,58 ; IC 95% :
4,62-15,96), par rapport aux individus qui ont perçu un soutien parental très important
; 3) les étudiants qui ont déclaré être victimisés par leurs pairs, sans maltraitance
parentale associée, étaient plus susceptibles de présenter des idées suicidaires sans
(RCa : 1,62 ; IC à 95% : 1,26-2,09) ou avec tentative de suicide (RCa : 2,70 ; IC
à 95% : 1,51-4,85) ; 4) parmi plus de 70 prédicteurs mesurés à l’inclusion dans l’étude,
quatre ont montré le pouvoir prédictif le plus élevé de conduites suicidaires : les
précédentes pensées suicidaires, l’anxiété-trait, les symptômes de dépression et l'estime
de soi. Dans des analyses secondaires menées à partir des données de la cohorte CONFINS,
nous avons montré que les étudiants étaient plus susceptibles que les non-étudiants
de présenter des troubles de santé mentale au cours de l’épidémie de COVID-19, notamment
en période de confinements. Ces travaux soulignent la fragilité de la population étudiante
et la nécessité d’y porter une plus grande attention. Plus spécifiquement, nos résultats
montrent l’intérêt de renforcer des programmes portant sur le soutien à la parentalité
et la lutte contre le harcèlement scolaire pour réduire le risque suicidaire à long
terme du jeune adulte et ils ouvrent la voie à de nouvelles stratégies d’interventions,
en lien avec le renforcement de l’estime de soi à l’université. Les conduites suicidaires
sont fréquentes chez les étudiants et les recherches doivent être poursuivies afin
de développer et évaluer des outils de dépistage pouvant être utilisés en routine,
par exemple à l’entrée à l’université, pour identifier les étudiants les plus vulnérables.;