Description : Cette thèse a pour objectif de rendre compte des ressorts contemporains de la suicidalité
en France. Ce travail a été pensé dans une double perspective. D'une part, il s'est
agi d'analyser la dynamique propre aux conduites suicidaires, en questionnant autant
les motifs que les causes qui suscitent ces conduites. D'autre part, il a été question
d'étudier l'organisation de leur prise en charge médicale, en s'intéressant au fonctionnement
des services d'urgences qui accueillent la majorité des tentatives de suicide connues.
Ces deux axes d'investigation ont été pensés de façon complémentaire, si bien que
l'approche théorique et méthodologique qui organise cette démarche lie intimement
la compréhension des conduites suicidaires avec celle de son traitement médical. La
lecture que nous proposons ici consiste à penser la suicidalité, ainsi que sa prise
en charge, à travers les transformations normatives des sociétés contemporaines. Ces
transformations sont caractérisées par l'affirmation et la valorisation inédite d'un
certain type de relation sociale, faisant de la capacité d'autodétermination individuelle
et de l'accomplissement personnel une référence centrale pour orienter l'action. L'autonomie,
l'indépendance, l'authenticité et la responsabilité seraient ainsi inscrites dans
nos pratiques les plus communes, de sorte qu'elles sont devenues un principe du fonctionnement
des rapports sociaux et de la mesure de la valeur de chacun. Cette individualisation
recompose les zones de tensions que les acteurs sont tenus de résoudre en contexte,
selon leurs ressources propres, et au risque pour eux, parfois, d'y perdre toute possibilité
d'agir. C'est donc l'esquisse d'une nouvelle économie du suicide et des tentatives
de suicide que nous avons souhaité mettre en lumière. Pour ce faire, nous avons mis
en place une ethnographie des services d'urgences générales et psychiatriques, visant
à analyser le déroulé de la prise en charge des tentatives de suicide au décours du
geste suicidaire. Cette démarche vise à saisir la manière par laquelle les conduites
suicidaires s'inscrivent dans la logique qui préside à l'univers médical, hypothèse
étant faite ici que les tensions suscitées par l'autonomie se rejouent précisément
dans cette rencontre singulière et incertaine entre suicidalité et soin.;