Description : Le tribut que l’adolescence paye aux conduites suicidaires est considérable : un jeune
sur dix dit avoir pensé à mourir au cours de l’année, et un autre rapporte avoir déjà
attenté à sa vie. Pour comprendre le rôle central que joue l’adversité dans l’émergence
de ces conduites, l’approche épidémiologique traditionnelle semble atteindre ses limites.
À travers la notion de trajectoire de vie, les modèles développementaux ont ouvert
la voie à une compréhension plus dynamique et intégrée du processus suicidaire. Les
formalisations les plus récentes conçoivent les individus comme des systèmes autorégulés,
s’adaptant à l’adversité environnementale par des mécanismes allostatiques de retour
à l’homéostasie. Ces modèles prédisent qu’un pic de plasticité allostatique constituerait
le substrat de la transition maturative adolescente mais impliquerait un surcroît
de vulnérabilité au stress.La présente thèse vise à comprendre les implications de
cette dualité développementale dans les trajectoires vers le suicide ou la tentative
de suicide (TS). Pour ce faire, nous nous sommes attelés à étayer un modèle systémique
développemental des conduites suicidaires. Nous avons procédé par recueil narratif
exhaustif puis analyse intégrée des expérience de vie adverses (EVA) traversées par
des individus suicidants ou suicidés. Les différentes fenêtres temporelles explorées
et stratégies analytiques employées ont permis de tester les trois niveaux hiérarchiques
du modèle proposé.Au niveau infra-ordonné, nous appréhendons la dynamique d’épuisement
à court terme des systèmes allostatiques (SA) dont la TS serait l’issue. Pour ce faire,
nous reconstituons les trajectoires de fardeau d’adversité (FA - supposé représenter
l’interaction médiée par le stress entre l’individu et son environnement) dans l’année
précédant la TS d’adolescents suicidants.Au niveau inter-ordonné, nous avons testé
l’hypothèse selon laquelle les trajectoires d’adversité représentent, à l’échelle
des années, une interaction bilatérale entre la survenue d’EVA et les modalités de
réaction aux stress des individus. Cette interaction a été modélisée par un processus
de Hawkes reliant le niveau d’activation allostatique et la probabilité de survenue
des EVA. [...];