Description : Contexte : nous sommes confrontés dans notre pratique clinique à bon nombre de patients
en situation de précarité. Parmi les troubles psychiatriques graves, la schizophrénie
a l'un des impacts les plus élevés sur le niveau socio-économique. Objectif : explorer
les inégalités en matière de santé et de statut socio-économique chez une population
de patients schizophrènes. Méthode : la cohorte nationale FACE-SZ a été créée pour
déterminer les besoins non satisfaits en schizophrénie dans la vie réelle chez les
patients ambulatoires stabilisés. Les 916 patients recrutés dans 10 centres experts
nationaux entre 2011 et 2018 ont reçu une évaluation standardisée complète des facteurs
précoces (enfance, adolescence et jeune âge adulte) et des facteurs actuels (facteurs
cliniques de la maladie, facteurs sociaux, facteurs rapportés par les patients). Tous
les patients déclarant un revenu 1000 euros/mois (une approximation du seuil de pauvreté)
ont été inclus dans le groupe pauvreté. La pauvreté a été conçue premièrement comme
une variable à expliquer, puis comme une variable explicative où chaque modèle multivarié
a été ajusté pour l'âge, le sexe, le niveau d'éducation et la symptomatologie psychotique.
Résultats : 739 (80,7%) patients ont été classés dans le groupe pauvreté. Concernant
les facteurs précoces, le niveau d’éducation et un âge précoce d’apparition de la
maladie ont été associés significativement à la pauvreté. Par ailleurs, le groupe
pauvreté présentait une sévérité de la maladie plus importante (symptômes positifs,
négatifs, et désorganisation) dans les analyses multivariées. Alors qu'ils avaient
un accès similaire aux traitements et à la psychothérapie, ils avaient un accès plus
faible aux activités socialement utiles, à la vie de couple, au logement et à la parentalité.
Ils présentaient également des paramètres métaboliques plus perturbés. Au contraire,
ce groupe rapportait une meilleure estime de soi. Aucune différence significative
n'a été trouvée concernant la dépression, les comportements à risque pour la santé,
y compris les addictions et la sédentarité. Interprétation : plus de 8 patients schizophrènes
sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Notre étude a montré que le niveau d’éducation
ainsi que l’âge d’apparition précoce de la maladie étaient les principaux facteurs
associés à la pauvreté. Malgré une équité dans l'accès aux soins, la santé mentale
et physique reste moins bonne chez ces patients, avec un faible accès aux rôles sociaux,
indépendamment de la gravité de la maladie. Cependant, ces patients peuvent avoir
une meilleure estime d'eux-mêmes du fait d'un moindre contact avec la société et donc
d'une moindre exposition à la stigmatisation (notamment sur le lieu de travail). La
schizophrénie apparaît donc comme une population spécifique appauvrie en ce qui concerne
les résultats liés à la santé et l'insertion sociale qui devrait être ciblée dans
les programmes de santé publique.;