Description : Consulter un thérapeute usant de pratiques sans fondement scientifique (thérapeute
alternatif - TA) comporte des risques : retarder le diagnostic d'une maladie grave,
se détourner d'une prise en charge efficace, s'exposer à des considérations erronées
sur sa santé ou sa maladie, ou tout simplement payer et consacrer du temps pour un
traitement au mieux sans effet mais inoffensif, au pire inefficace et dangereux. Ainsi,
le recours aux TA interroge tant du point de vue de la santé publique que des raisons
de ce comportement. Pourtant, en France, les données sur le sujet sont rares et insuffisamment
détaillées pour évaluer l'enjeu de santé publique réel du phénomène. En outre, les
processus causaux conduisant les patients à recourir aux TA sont mal connus, ce qui
peut rendre difficile de communiquer sur le sujet pour les professionnels et institutions
de santé. Dès lors, nos objectifs ont été de décrire et d'expliquer le recours aux
TA dans la population générale française. Après avoir réalisé une revue systématique
de littérature et développé et validé un questionnaire adapté à nos objectifs, nous
avons conduit une étude transversale auprès d'un échantillon de convenance de 10 478
adultes résidant en France métropolitaine, ainsi qu'une analyse cas-témoins avec 2
056 répondants de cet échantillon. Dans cette dernière, nous avons testé si le fait
d'être insatisfait de son médecin généraliste peut conduire à recourir à un TA non
médecin. Enfin, nous avons proposé un modèle explicatif de ce recours, accompagné
de prédictions testables.52 % des répondants ont déclaré avoir eu recours, durant
les 12 derniers mois, à un acupuncteur, chiropracteur, homéopathe, magnétiseur, ostéopathe
ou rebouteux. 68 autres types de TA ont été consultés, élevant le taux de recours
total à 54 %. Ces thérapeutes, principalement non professionnels de santé, ont été
consultés majoritairement pour une lombalgie en complément d'une prise en charge médicale.
Pour une lombalgie, nos résultats ont montré qu'être insatisfait de sa prise en charge
médicale explique une part importante du recours complémentaire à un TA non médecin,
sauf pour les ostéopathes non médecin. En revanche, consulter un TA isolément d'une
prise en charge médicale est faiblement expliqué par une insatisfaction vis-à-vis
de son médecin généraliste. Dans les deux cas, recours complémentaire ou isolé, d'autres
facteurs explicatifs devraient être envisagés, tels que le fait que des médecins et
autres professionnels de santé utilisent ou conseillent eux-mêmes des pratiques scientifiquement
infondées.;