Description : Malgré le nombre considérable d'études scientifiques s'intéressant à la question,
le fonctionnement de la conscience de soi (ou du « self ») reste débattu. Envisager
par exemple le « soi » comme une entité unifiée, dotée d'une existence propre, est
actuellement critiquée par plusieurs modèles contemporains. Dans le champ de la psychiatrie
et de la santé mentale, un exemple est celui de la théorie de « l'addiction ontologique
» qui postule que cette conception du soi est susceptible de conditionner un fonctionnement
psychologique essentiellement basé sur un surinvestissement de soi, auquel invite
pourtant de nombreux dispositifs psychothérapeutiques. En effet, un fonctionnement
subjectif excessivement autocentré peut s'avérer délétère car il réduit les capacités
d'adaptation du sujet et joue un rôle essentiel dans le maintien et le développement
des troubles mentaux internalisés comme les troubles anxieux et dépressifs. L'objectif
de ce travail consiste à interroger, par la méthode de la revue systématique de la
littérature, les effets psychologiques des stratégies psychothérapeutiques de décentration
de « soi ». Notre méthodologie s'est appuyée sur les recommandations PRISMA et trois
bases de données scientifiques ont été analysées : Pubmed, Cochrane library et Web
of Science. Après fusion des doublons, 4719 références ont été sélectionnées comme
potentiellement éligibles à l'inclusion et 27 études avec un groupe contrôle publiées
entre 2010 et 2020 ont été retenues. Les résultats nous ont permis de regrouper les
interventions en 4 blocs : 1) les interventions métacognitives basées sur l'entrainement
attentionnel (ATT) ; 2) les interventions basées sur la méditation et la pleine conscience
; 3) les interventions basées sur l'administration de substances psychopharmacologiques
; 4) les autres types d'interventions regroupant 4 études non classables en une catégorie.
Chacune de ces interventions propose des modalités singulières de décentration du
« soi » dont les mécanismes d'actions et les applications possibles diffèrent : réduction
de l'attention focalisée sur soi pour l'ATT ; diminution de la réactivité et détachement
de soi pour la pleine conscience ; expérience de dissolution de l'égo pour la prise
de LSD ou de psilocybine. Les protocoles des études, le type d'intervention et les
populations étudiés étant très hétérogènes, l'analyse globale n'a pas permis de généraliser
les résultats, ni de faire une synthèse mesurant l'efficacité des interventions ou
des différents paramètres permettant de se décentrer de soi pour le traitement d'un
trouble mental spécifique. Cependant l'analyse individuelle de chacune de ces études
retrouve des résultats significatifs pour l'amélioration d'un ou plusieurs déterminants
de santé mentale transdiagnostiques comme par exemple une diminution de l'anxiété,
une meilleure régulation émotionnelle ou une amélioration du fonctionnement psychosocial
global. Une efficacité pour le traitement de certains troubles spécifiques comme la
phobie sociale, la dépression ou la fibromyalgie est également retrouvée. Nous discutons
pour conclure les possibles mécanismes d'action des stratégies de décentration du
soi, les principales indications à ce type d'approche et les perspectives qui pourraient
découler de ce travail;