Description : Introduction : La santé des personnes sans chez soi est moins bonne que celle de la
population générale. De nombreuses études objectivent cela et plusieurs mesures ont
été mises en place pour pallier ce phénomène. Cependant, la rencontre entre personnes
sans chez soi et médecin généraliste semble complexe. Objectif : Explorer les expériences
de soins en médecine générale des personnes sans chez soi et rechercher les éléments
impliqués dans leur accroche aux soins. Matériel et Méthode : Étude qualitative. Recueil
des données par entretiens individuels semi-dirigés, selon un guide d’entretien qualitatif,
auprès de personnes sans chez soi, usagères de centre d’aides, recrutées à Marseille
selon un échantillonnage raisonné. Double codage des données et analyse selon la méthode
de la théorisation ancrée. Résultats : La qualité d’écoute est la première attente
des personnes sans chez soi. L’accroche réelle et efficiente à leur médecin est justifiée
en premier lieu par la connaissance que le médecin à d'elles. Les éléments de vie
livrés dans le but de permettre au médecin d'acquérir une connaissance d'eux sont
variables. Jamais ils ne se sont définis comme « personne sans chez soi » (PSCS).
Ensuite, la majorité des personnes interrogées nous ont fait part des stigmates de
leur trajectoire : discrimination, racisme, culpabilité, autodépréciation, souffrance
psycho-sociale … Il s'agit d'une réalité indissociable du parcours de vie de ces personnes
que le médecin de soins primaires doit connaître. Enfin, de façon plus subtile, les
sujets nous livraient quelques éléments de leur temporalité propre et singulière.
Les PSCS décrivent également des attentes secondaires multiples : que le médecin réponde
à des demandes médicales variées, qu’il soit en mesure de délivrer des messages de
prévention, de transmettre un savoir adapté. Enfin, les personnes attendent de leur
médecin un professionnalisme passant par un examen clinique attentif, un recours aux
examens complémentaires et consultations spécialisées si nécessaires, ainsi que l’établissement
de thérapeutiques pertinentes. Chaque fois que nous avons détecté l’accroche aux soins,
sans exception, les personnes avaient choisi de consulter ce médecin elles-mêmes.
Dans les cas de non-accroche, le médecin avait été conseillé ou « imposé » par les
membres d’une structure (type accueil de jour, unité d’hébergement d’urgence) ou d’une
association. Discussion - Conclusion : Les PSCS rapportent un parcours de vie extrêmement
dur et une société stigmatisante et excluante. Les attentes exprimées concernent avant
tout les compétences relationnelles, permettant leur accroche aux soins. Néanmoins,
les compétences biomédicales sont également requises et leur vision de la relation
semble tendre vers un modèle délibératif. L’adaptation de la posture du médecin généraliste
n’est rien sans la remise en question actuelle de notre système d’aides aux personnes
sans chez soi. Une véritable mise en réseau des différents acteurs est nécessaire,
en gardant toujours à l’esprit que la personne doit être la première décideuse de
sa trajectoire de soins, voire de restauration sociale. La trajectoire de soins n’est
finalement plus l’enjeu majeur mais devrait être pensée comme la résultante d’un processus
lent et complexe dont la pierre angulaire serait le respect de la personne et de ses
choix dans le cadre du rétablissement social.;