Description : Introduction : la question de la réanimation des patients atteints de cancer est souvent
pensée par le prisme du raisonnement médical. Quels sont les arguments médicaux pour
évaluer, a priori, le bénéfice que peut tirer un patient donné d’une thérapeutique
ou d’une suppléance vitale ? A ce jour, les progrès médicaux ont amélioré la survie
des patients atteints de cancer en réanimation, et dans le même temps, paradoxalement,
ont augmenté l’incertitude quant à l’évaluation de chaque situation. Dès lors, la
qualité des interactions et du processus décisionnel entre oncologues et réanimateurs
apparaît comme primordiale. Nous avons privilégié le terme de collaboration interdisciplinaire
pour décrire ces interactions. Dans les décisions d’admission en réanimation ou de
limitations thérapeutiques en réanimation, la démarche et les conditions des décisions
importent au moins autant que leur issue. Ainsi, nous avons voulu décrire et comprendre
la collaboration interdisciplinaire entre oncologues et réanimateurs. Pour cela nous
avons privilégié une méthodologie de recherche qualitative. Méthodes : nous avons
réalisé un temps d’observation des pratiques puis nous avons réalisé 11 entretiens
d’une durée moyenne de 31 minutes avec 12 praticiens d’oncologie, de réanimation,
de pneumologie et d’hématologie, prenant tous en charge des patients atteints de cancers.
A partir de l’observation des pratiques et de l’analyse qualitative des transcrits
d’entretien selon la méthode de la théorie ancrée, nous avons décrit et discuté l’organisation
de la collaboration interdisciplinaire entre oncologues et réanimateurs. Résultats
: cette méthode de recueil de données qualitatives est acceptée par les praticiens
et informative. L’organisation actuelle de la collaboration comme un phénomène dynamique,
fondé sur les demandes et le réseau des praticiens. Cette organisation peine à répondre
aux situations imprévisibles ou incertaines. A travers les interactions décrites comme
conflictuelles, nous avons mis en évidence ce qui met en tension la collaboration
: les zones d’incertitude et particulièrement les patients en situations palliatives
au pronostic incertain. Différentes stratégies ont été mises en place par les praticiens
pour résoudre ces difficultés (réanimation d’attente, arbres décisionnels, procédure
d’appels de la réanimation) avec une efficacité incertaine. Ce qui semble le plus
aidant pour les participants relève de l’interdisciplinarité : confiance, reconnaissance
mutuelle, entente sur des objectifs commun, traçabilité écrite. Conclusion : le recours
aux méthodes de recherche issues des sciences humaines et sociales permet une meilleure
compréhension des relations interdisciplinaires et de l’organisation de la collaboration
entre oncologues et réanimateurs. Ces connaissances sont précieuses pour les praticiens
concernés par cette collaboration au quotidien.;