Description : La réinsertion professionnelle après un cancer du sein constitue un véritable challenge
pour les patientes. Elle est souvent considérée comme la dernière étape avant le retour
à une certaine normalité proche de la vie antérieure au cancer. Les mécanismes du
retour à l'emploi sont multiples et complexes. Ils semblent différer chez les femmes
par rapport aux hommes de par l'évolution différente au sein du monde du travail et
la différence de place au cœur de la cellule familiale. Si les facteurs cliniques
et professionnels du retour à l'emploi après un cancer du sein sont souvent évoqués
dans la littérature, peu d'études s'intéressent à d’autres déterminants comme l'environnement
familial ou le changement de valeur attribuée au travail après un cancer du sein.
Grâce à CANTO, une large étude de cohorte française multicentrique de patientes atteintes
de cancer du sein de stade 1 à 3, nous avons étudié, tout d'abord, l'effet de l'environnement
familial sur le retour au travail deux ans après un cancer du sein. D'autre part,
nous avons quantifié le changement de priorité de vie vers la vie privée au détriment
de la vie professionnelle des femmes deux ans après un diagnostic de cancer et identifié
ses déterminants. Dans notre première analyse (3004 femmes incluses), nous avons mis
en évidence des situations familiales associées à un moindre retour au travail. Être
en couple est négativement associé au retour au travail et semble également faciliter
le passage à temps partiel chez les femmes qui reprennent une activité professionnelle.
Parmi, les femmes en couple, une diminution du retour au travail est retrouvée chez
les femmes mariées de plus de 50 ans mais aussi chez les femmes cumulant au moins
trois enfants à charge avec une faible position socioéconomique. Enfin, l'âge des
enfants pourrait constituer tantôt une barrière (enfants en bas âge), tantôt un facilitateur
(enfants entre 18 et 25 ans) au retour à l'emploi. Ensuite, les résultats de notre
seconde analyse (1097 femmes incluses) montrent que parmi les femmes qui ne priorisaient
pas leur vie privée au diagnostic, presque une femme sur deux a changé de priorité
vers la vie privée deux ans après le diagnostic de cancer du sein. Les déterminants
de ce changement de priorité de vie vers la vie privée semblaient être de plusieurs
ordres : cliniques (un stade 3 de cancer du sein et un état de santé dégradé), professionnels
(un travail perçu comme pas très intéressant, être employée, et ne pas percevoir de
soutien de la part de son supérieur hiérarchique au diagnostic) et psychosociaux (rapporter
des interférences négatives du cancer du sein sur sa vie quotidienne, rapporter un
effet positif global du cancer sur sa vie et ne pas avoir de symptôme dépressif).
Aux déterminants cliniques et aux bouleversements psychosociaux liés au cancer du
sein viennent s'ajouter certaines situations familiales et difficultés dans l'environnement
de travail qui peuvent impacter le processus de réinsertion professionnelle après
un cancer du sein. Si être en couple pourraient finalement permettre un retour plus
progressif des femmes au travail après un cancer du sein, une attention particulière
doit être portée à certains profils de femme. Des interventions de réhabilitation
personnalisée à chaque patiente permettraient d'éviter la double peine que constituent
les difficultés financières et sociales engendrées par le non retour au travail après
un cancer du sein.;