Description : Longtemps, les douleurs (aiguës comme chroniques) s’expliquaient, dans le modèle biomédical,
par un lien direct entre une lésion organique identifiable et les symptômes du patient.
La compréhension du modèle biopsychosocial a permis de mieux caractériser les douleurs
chroniques. Les patients souffrant de douleurs chroniques décrivent une baisse significative
de leur qualité de vie. La présence d’un ensemble de cognitions et d’affects que nous
pourrions traduire comme un sentiment de «non-reconnaissance» a été évoquée dans plusieurs
études. Quel est le vécu des personnes souffrant de douleurs chroniques ? De quelle
manière les patients racontent-ils leur histoire ? Pour comprendre la complexité du
vécu de ces patients, nous nous sommes basées sur leur récit. Nous avons fait une
étude qualitative par théorisation ancrée en réalisant des entretiens individuels
semi-directifs compréhensifs auprès de 20 patients présentant des douleurs chroniques
en échec thérapeutique. Toutes les catégories émergeant de notre étude semblent liées
et former un cercle fermé où les différents facteurs s’entretiennent majorant les
douleurs et ne facilitant pas leur prise en charge. Comme catégories, nous retrouvons
les répercussions qui peuvent, à l’extrême, entrainer un isolement du patient que
ce soit par rapport à son entourage mais aussi dans le cadre de son parcours de soin.
Les patients ont également souvent raconté des histoires de vie lourdes et des événements
de vie parfois traumatisants pouvant être des facteurs de chronicisation. Enfin, un
sentiment de « non-reconnaissance » a été largement retrouvé envers le corps médical
et envers l’entourage, le tout favorisé par une non-reconnaissance administrative
le plus souvent due à une absence de diagnostic. Il met en péril la relation thérapeutique.
Ce sentiment semble être dépendant et favorisé par les autres catégories émergentes
et créer un noeud autour de la prise en charge, rendant la situation encore plus inextricable.
La description de ces liens permet de redéfinir le rôle du médecin généraliste, et
plus largement le rôle de la médecine moderne qui, aujourd’hui très compétente en
termes de technique, semble oublier l’importance et les effets de la relation thérapeutique
et de l’humanisation du sujet.;