Repenser l'auto-soin, expression du libre choix du patient ?: analyse secondaire de
44 entretiens semi-dirigés et journaux de santé en Loire Atlantique et Vendée - CISMeF
Repenser l'auto-soin, expression du libre choix du patient ?: analyse secondaire de
44 entretiens semi-dirigés et journaux de santé en Loire Atlantique et VendéeDocument
Titre : Repenser l'auto-soin, expression du libre choix du patient ?: analyse secondaire de
44 entretiens semi-dirigés et journaux de santé en Loire Atlantique et Vendée;
Description : Introduction : De nombreuses études traitant des bénéfices et des risques de l'auto-médication
et de l'auto-soin voient le jour, évoquant toujours ces pratiques en termes de libre
choix d'un individu. Leurs logiques d'autorégulation vont pourtant bien au-delà de
la simple valorisation idéalisée de l'autonomie des patients. Alors que certaines
thérapeutiques profanes sont majoritairement admises, les médecines qualifiées de
« parallèles » ou « alternatives » font l'objet de méfiance par les professionnels
de santé et leurs usagers sont souvent catégorisés et moqués. Les débats concernant
ces soins « naturels » sont sur le devant de la scène médiatique et politique. Méthodologie
: Nous avons réalisé une étude qualitative secondaire à partir de 44 entretiens semi-dirigés,
réalisés par une sociologue, combinés à des journaux de santé complétés quotidiennement
sur un mois par les participants. Notre corpus a été rassemblé dans le cadre du projet
AUTOMED, entre mars 2014 et juin 2015 en Loire-Atlantique et en Vendée. Notre cadre
théorique était fondé sur la confrontation entre la « logique de choix » que sous-tend
la référence à l'autonomie, et la « logique de soin » dans laquelle les patients actifs
expérimentent et réévaluent en permanence leurs pratiques de santé, prêtant une attention
particulière à leur corps pour tendre vers le meilleur soin possible. Ces concepts
ont été décrits par l'anthropologue Anne-Marie Mol en 2009. Résultats : Nous avons
mis en évidence un continuum dans les comportements de santé, un bricolage entre logique
de choix et de soin variable en fonction du type de pathologie, de l'attitude préventive
ou curative et de l'usage ou non d'un produit de soin. Malgré un vocabulaire largement
emprunté au choix pour décrire leurs pratiques de santé, les enquêtés idéalisent souvent
leur autonomie, ce qui se traduit par une responsabilisation exagérée de l'individu.
Les personnes se tournant vers des médecines « alternatives » s'inscrivent dans une
logique de soin, leurs pratiques sont proches de notre approche scientifique d'essai-erreur,
d'expérimentation et de notre volonté affichée de centrage patient. Discussion : Dans
une logique de soin, l'auto-santé peut être vue comme un travail productif complémentaire
des soins professionnels. Son processus est en lui-même thérapeutique, c'est une forme
de résilience. Cependant, dans une société normée, elle ne peut pas assurer à elle
seule nos intérêts de santé, une prise de conscience de nos intérêts communs et une
lutte collective sont nécessaires. Les médecins généralistes ont un rôle important
à jouer dans ce cheminement vers le bon soin, la médecine narrative est une des pistes
à explorer pour intégrer au mieux l'ensemble des pratiques et parvenir à une médecine
plus humaine. Conclusion : Une meilleure connaissance des pratiques d'auto-santé est
nécessaire, de nombreuses études sont encore à mener. La logique de soin n'est pas
une nouvelle recette du bonheur, elle est un changement de regard des praticiens et
de la société. Par une approche résolument positive, empathique, réflexive et narrative,
professionnels et profanes parviendront au meilleur soin possible.;