Description : Le processus décisionnel est un évènement particulier qui confronte les soignants
à leurs doutes et à leurs incertitudes. Chaque décision comporte inéluctablement une
part de doute et d’incertitude, sinon elle ne mérite pas d’être appelée « décision
», car elle ne serait que le résultat de l’application d’un savoir acquis à l’avance,
à une situation connue. C’est cette part d’incertitude qui est le lieu de la réflexion
et qui offre à chacun la possibilité de se questionner, c’est-à-dire de se mettre
dans la situation où il faut vaincre l’indécidable pour pouvoir décider. Au cours
de ce travail, j’aborde le rôle du médecin en tant qu’arbitre entre le certain et
l’incertain en situation de fin de vie chez le nouveau-né. Afin de cerner cette problématique,
je rapporte six observations cliniques, toutes tirées de ma propre expérience et qui
illustrent mieux qu’un long discours les notions du certain et de l’incertain, et
permettent de donner à chacune de ces notions son véritable sens pratique de manière
concrète.Vouloir aborder la notion de l’incertain au cours du processus décisionnel
en situation de fin de vie, consiste à accepter d’aller à l’encontre de la culture
médicale dominante, qui valorise la certitude, car l’incertitude véhicule une image
négative dans l’imaginaire des soignants. Pourtant, le doute peut avoir un effet salvateur
sur le processus décisionnel, car il incite les soignants à se concerter avant de
décider. Ainsi, celui qui doute n’est pas un ignorant, mais quelqu’un de prudent au
sens aristotélicien, c’est-à-dire qui soumet son choix à la critique des autres, dans
le cadre d’une procédure de délibération collégiale. Ainsi, l’incertitude met en tension
les convictions qui relèvent de l’éthique déontologique, et la responsabilité qui
relève de l’éthique téléologique. C’est la confrontation entre ces deux éthiques qui
permet au soignant de décider en ayant la paix dans l’âme.;