Description : La notion de vulnérabilité est souvent placée au cœur de la recherche sur l'éthique
et les humanités en santé, mais il s’agit d’un élément théorique rarement approfondi.
Elle est généralement mobilisée pour évoquer le statut du malade en perte d'autonomie
et pour souligner l'importance d'une posture bienveillante de la part du soignant.
Cependant, l'approche théorique qui tend à tirer de cette notion une morale spontanée,
une bonté simplement intrinsèque au soin, ne semble pas satisfaire à un examen rigoureux.
Qu'il s'agisse du grand prématuré, du malade chronique, de la personne réanimée ou
en fin de vie, la vulnérabilité se présente comme le signe de la précarité de la vitalité,
de la proximité de la mort et donne toute sa signification à la dimension technique
du geste soignant. La notion de vulnérabilité ouvre une réflexion sur la temporalité
subjective et sur le regard porté sur l’extériorité du corps douloureux. Et à travers
ces thèmes la situation du soignant, soumis quotidiennement à la détresse et à l'angoisse
des patients et de leurs proches, et dont la pratique est soumise aux attentes et
aux exigences de l'institution, peut être interrogée. Non seulement il paraît impossible
de former un savoir sur la souffrance de l’autre, mais il est du même coup impossible
d’accéder au vécu de cette douleur vécue dans le temps, dans l'espace et dans les
interactions sociales. La relation de soin ne consiste ainsi ni dans une relation
univoque reposant sur le savoir technique, ni sur une composition relevant exclusivement
du ressenti. L’engagement dans le soin apparaît comme une combinaison du neutre et
du personnel qui donne de la place du soignant une vision oxymorique, à la fois technicienne
et enveloppante, experte et vulnérable.;