S'appuyant sur le document historique exceptionnel que représente la Correspondance Freud-Jung (1906-1914), cet article se propose de rendre compte des éléments et des enjeux qui viennent donner sens à la nature de la rencontre et de la collaboration intense pendant près de six ans (1906-1912) entre le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, et celui qu'il avait désigné comme son successeur, Carl Gustav Jung. L'étude de cette correspondance permet d'apprécier la rapidité, mêlée d'intensité, avec laquelle se déploie entre les deux épistoliers l'aménagement des liens denses, empreints de séduction, d'admiration authentique et d'idéalisation réciproques. Néanmoins, au travers de leurs échanges épistolaires, il apparaît immédiatement que la différente des niveaux d'expectative qu'ils ont l'un de l'autre va insensiblement étayer des plans transférentiels nettement asymétriques, plans dont les intersections, au fil des ans, deviennent le lieu de mises en tension, parfois maximales, d'un tissage relationnel dès lors irrémédiablement voué à l'échec, échec qui devait aboutir à la démission de Jung de la présidence de l'Association psychanalytique Internationale, le 20 mai 1914. C'est la mise en perspective, ainsi que l'étude de l'ensemble de ces éléments, qui sont, ici, proposés.