La crainte du mauvais air des lagunes est un véritable leitmotiv dans la plupart des récits de voyageurs français séjournant à Venise au siècle des Lumières. La conscience accrue des risques sanitaires liés à la puanteur des canaux ainsi qu'à la présence constante des eaux sales et croupissantes accentue leur appréhension de pénétrer dans une ville insalubre où les épidémies peuvent faire des ravages. Or, au XIX^e siècle, une mutation s'opère dans l'approche du paysage des lagunes. Au-delà du regard romantique qui construit autour de cette cité palimpseste un véritable mythe littéraire et accorde une attention nouvelle à l'élément aquatique, l'intérêt manifesté par les médecins et climatologues français et vénitiens pour le microclimat des lagunes voit son aboutissement avec l'apparition d'un tourisme balnéaire dans le centre historique de la Venise autrichienne. Les propriétés exceptionnelles des eaux lagunaires dans le traitement de la phtisie pulmonaire révélées par les publications des médecins et vantées par les guides de voyage attirent ainsi, jusqu'à la fin du siècle, des milliers de touristes et de malades européens désireux de goûter aux effets bénéfiques du climat vénitien et de prendre des bains dans la lagune. Face à cet afflux de population sans cesse plus important pendant les mois d'été, on assiste dès le milieu du siècle, à la naissance de plusieurs stabilimenti balneari dont certains sont rattachés aux principaux hôtels implantés le long du Grand Canal.