Vigueur et impasses de l'héritage freudien
Auteurs : MARTENS FDate 2009, Vol 40, Num 2, pp 187-197Revue : Psychiatrie françaiseAu sein de la société néolibérale mondialisée, régulée par la seule « main invisible » du marché, la notion de « psychopathologie » a disparu. S'interroger sur le sens individuel ou social d'une souffrance n'a en réalité aucun sens. Il s'agit plutôt d'éliminer par des recettes les désordres - éventuellement mentaux - qui pourraient nuire au système. Il s'agit donc moins pour l'individu de chercher à comprendre, que de recommencer à fonctionner. En matière de psychiatrie, cette idéologie possède un bréviaire universellement répandu: le DSM-IV. Pas étonnant que la psychanalyse n'y trouve plus de place et que l'identité des psychiatres s'y voit mise à mal. Pour des raisons identitaires, nombre de psychanalystes héroïsent cette situation en termes de persécution des derniers tenants de la « vérité du sujet ». Ils ne sont pas loin de s'identifier aux premiers chrétiens ou aux maquisards du Vercors. Loin des catacombes pourtant, la situation ne peut se réduire aux conséquences d'un changement d'idéologie dominante. D'une part, les psychanalystes ne reçoivent souvent que la monnaie de leur morgue (quand ils tenaient le haut du pavé) ; d'autre part, la transmission « incestuelle » qui prévaut en leur sein les a souvent fait s'exclure eux-mêmes de la scène du débat ; enfin et surtout, la vision « psychanalytique » de l'homme - pour laquelle le sadisme et la xénophobie font partie de l'état normal des choses - n'inspire pas forcément une sympathie immédiate. En tout état de cause et par-delà la mode, la métapsychologie freudienne des pulsions et de l'inconscient sexuel refoulé n'a pas pris une ride. Elle reste au cœur de toute réflexion anthropologique, comme de tout renouveau psychopathologique.