Le travail du vieillir engage les individus dans un processus de relecture, et parfois de réécriture de leur vie, à la croisée du temps d'hier et de celui d'aujourd'hui, dans la perspective d'apprivoiser un futur, dominé par l'impensable de la finitude. Ce travail recourt à la mémoire, comme support de sens et d'identité. Le milieu rural isolé, objet de cette investigation pendant trois ans dans le cadre d'une recherche pour le GIS Institut de la Longévité et du vieillissement, se présente comme société de type traditionnel qui construit le présent en fonction d'un passé toujours présent et réactualisé. Les vieux ruraux rencontrés, vieillissent avec pour support une mémoire individuelle, mais aussi familiale, transgénérationnelle et collective. Leur mémoire est entièrement articulée à celle des lieux qu'ils habitent et que leurs ancêtres ont habités avant eux. Elle constitue une ressource essentielle contre le délitement de liens fondateurs et leur garantit une continuité de l'existence, protectrice contre les ruptures de sens et d'identité fréquents dans la vieillesse. Cette mémoire partagée, incarnée et fondée dans un territoire restreint, se donne à comprendre à travers les récits de vie des individus que nous avons recueillis. (R.A.).