Hémorragies sous antivitamines K : les freins à la prescription du PPSB, mythes et réalités
Auteurs : VIGUE B1, TREMEY B2, TAZAROURTE K1Les recommandations pour la pratique clinique (RPC) en cas d'hémorragie grave chez un patient sous antivitamines K (AVK) sont précises, associant PPSB (20 à 30 UI/kg) et vitamine K (5 à 10 mg). Mais, dans les services hospitaliers, le suivi de ces RPC est réalisé dans seulement 20 % des cas. L'analyse du non-respect de ces RPC laisse apparaître un risque « ressenti » à l'antagonisation plus important que le risque réel. Un faisceau de facteurs intervient dans cette perception exagérée des risques thrombotiques: la conscience de l'utilité de la prévention chronique, les conseils de collègues spécialistes plus formés à prévenir les risques thrombotiques qu'à gérer l'hémorragie, mais aussi certaines transmissions orales d'alerte appartenant à l'histoire de la médecine ou à l'imaginaire médical laissant craindre les complications thrombotiques. Ces facteurs ont d'autant plus de poids qu'ils côtoient une relative faiblesse méthodologique des études cliniques sur le sujet. Les preuves sur lesquelles s'appuient les RPC sont issues d'études cliniques rétrospectives analysant les pratiques et de peu d'études prospectives randomisées. Les études d'observation sont importantes pour démontrer la fréquence et la gravité des hémorragies dépendantes de la profondeur des troubles de la coagulation et du retard de réaction des équipes mais elles ne tranchent pas sur l'intérêt pronostic de normaliser la coagulation. Par ailleurs, si les facteurs favorisants de thrombose sont détaillés, les causes de déclenchement des hémorragies, leurs cinétiques et les risques de récidives, important pour la reprise de l'anticoagulation, sont peu documentés. Il n'est pas suffisant de réunir des experts et d'édicter des règles pour modifier une pratique médicale. De nombreux progrès sont possibles comme augmenter le niveau de preuve par des études prospectives, améliorer la facilité d'emploi du produit, lutter contre les préjugés par l'analyse des risques réels et la mise en valeur des situations de sauvetage de patients, préciser les conditions de la reprise de l'anticoagulation et informer les patients concernés (1 % de la population) à ces pratiques. Enfin, pour convertir des RPC en qualité de soins dans un service, il est impératif d'organiser une démarche collective qui seule permet l'adaptation de ces RPC aux conditions de travail et l'appropriation de ces consignes par l'équipe.