Figures géométriques dans l'essai «De l'Amitié » de Montaigne
Auteurs : CHAPPUIT J1Dès le premier paragraphe de son essai sur l'amitié, Montaigne indique le contexte historique, la structure implicite et l'aspect philosophique du phénomène qu'il a partagé avec La Boetie.Tout fait historique a nécessairement sa structure de sens intrinsèque, selon Edmund Husserl. Les figures géométriques permettent de saisir cette structure. Cet emploi de la géométrie était commun à la Renaissance pour décrire le monde et Dieu. L'amitié dont Montaigne entretient son lecteur est présentée comme un fait historique contemporain ; différence fondamentale entre cet écrit et ceux qui ont précédé sur le même sujet. Puis, sur le modèle des peintres, Montaigne exploite les figures géométriques pour rendre compte du paradoxe selon lequel l'ami n'est pas un alter ego mais soi. Il n'y a donc pas de différences entre amis et pas d'échanges possibles car tout est commun. Enfin, puisque l'expérience de l'amitié est celle de la totalité, la perte de l'ami révèle alors l'état naturel de l'homme, celui de n'être qu' « à demy », partie restante du sumbolon représenté par la réunion des deux amis. Car, en effet, l'homme est par nature dans un état d'inhumanité, un état de cruauté au sens étymologique du terme. L'homme fonde l'humanité qu'il se doit à lui-même lorsqu'il investit, mû par sa liberté volontaire, l'espace manifesté par l'absence de l'ami. L'essai de Montaigne se place dans la tradition de l'humanisme défendue par Pic de la Mirandole et il s'oppose aux thèses des Réformés.