Bénéfices et limites du dépistage de masse. L'histoire naturelle du cancer du sein. Discussion
Auteurs : TUBIANA M1, NORDMANN R, VERHAEGHE M1La quasi totalité des décès provoqués par les cancers du sein est due aux métastases. Un cancer du sein, au cours de sa croissance, donne naissance à un envahissement axillaire et à une dissémination à distance, généralement par voie sanguine. L'envahissement ganglionnaire, qui survient généralement avant la dissémination métastatique, ne semble pas la cause de celle-ci mais l'indice de la propension de la tumeur à métastaser, Cette propension est également influencée par le grade histologique et la vitesse de croissance tumorale. Malgré la grande variabilité des caractères biologiques des tumeurs du sein et de la propension à la dissémination métastatique, l'existence d'une relation entre la taille de la tumeur et la probabilité de dissémination métastatique permet de calculer combien de disséminations pourraient être évitées par un diagnostic plus précoce, donc de calculer le gain en vies humaines qui peut être espéré du dépistage. Cependant, en réalité, le gain effectif est moindre car le taux de participation est inférieur à 100 % et, de plus, l'existence de faux-négatifs (non dépistage d'un cancer présent) réduit le nombre des cancers dépistés. Par ailleurs, un taux élevé de faux-positifs suscite une anxiété diffuse et une angoisse chez les femmes soumises à un bilan approfondi à cause d'un faux-positif. Un dépistage n'est légitime que si le gain en vie contrebalance le coût économique et social (anxiété, déplacements) qu'il engendre. Il est donc nécessaire d'améliorer le bénéfice (moins de faux-négatifs) et de diminuer le coût social et psychologique (moins de faux-positifs), ce qui nécessite la mise en place d'une assurance de qualité rigoureuse, d'une formation continue des intervenants, d'un suivi des femmes dépistées et d'une évaluation régulière, grâce à un recueil annuel des données. Le suivi du dépistage en France, depuis 1994, montre une amélioration très nette des résultats depuis la mise en œuvre, par le comité national de pilotage, d'une politique comportant le respect d'un cahier des charges spécifiant l'organisation du contrôle de qualité et de la formation continue. Cependant, les résultats restent très disparates d'un département à l'autre et sont souvent inférieurs aux normes européennes, bien qu'ils s'en rapprochent dans plusieurs départements. Ce dernier point montre que le système de dépistage en France, malgré son organisation faisant appel à de nombreux cabinets de radiologie publics et privés, peut donner des résultats comparables à ceux des pays où le dépistage est effectué par un petit nombre de structures spécialisées. Cependant, le système français rend indispensable des structures départementales (ou régionales) de coordination et de collecte des résultats, ainsi que nationales d'orientation et d'évaluation. Pour être efficaces, ces structures doivent s'appuyer sur des textes législatifs et réglementaires, faute desquels elles seraient dans l'incapacité de remédier aux difficultés que rencontre actuellement la mise en oeuvre du dépistage de masse.