Freud, traducteur de L'émancipation des femmes de J.S. Mill
Auteurs : RICAUD MDate 1998, Vol 67, pp 127-139Revue : Topique, revue freudienneAprès la mort du traducteur officiel, Freud, étudiant brillant et nécessiteux, se voit confier par Gomperz et sur la recommandation du philosophe von Brentano dont il est l'étudiant, la traduction du dernier volume des oeuvres de John Stuart Mill, dans lequel se trouve l'essai révolutionnaire (de Mill et/ou sa compagne Mrs Harriet Taylor) de 1851 sur l' affranchissement des femmes. Loin de laisser Freud indemne, ce travail de commande va - c'est mon hypothèse -entamer quelques uns de ses préjugés négatifs à l'encontre des femmes (qui flottaient d'ailleurs dans l'air du temps). Ce philosophe utopiste, J.S. Mill (1806-1873)-dont Freud ne mentionne pourtant jamais l'influence sur sa propre théorie - pourrait avoir, à son insu et pour une large part, modifié son écoute des plaintes et revendications de ses patientes, devenues co-créatrices de sa technique... L'acte de traduction (qui a selon Valéry Larbaud « quelque chose de sexuel »), a pu produire plus tard chez Freud un enfant théorique, en particulier autour du « féminin », questionnée chez la femme et chez l'homme.