2001, Le médecin encore plus responsable mais pourtant..toujours aussi coupable
Auteurs : LACHAUX B1Actuellement la prise de risque n'est plus acceptée par les patients et, en cas de conflit avec un médecin, sa parole, comme témoignage de l'information et du consentement, ne suffit plus. Un empire ancien semble s'écrouler aux portes d'un monde nouveau que l'on entrevoit encore mal. Devant ce problème, ce dont peut souffrir la société n'est pas d'un excès de débat mais bien, derrière le flot trompeur de la surinformation, d'une insuffisance d'idées et d'échanges. Or une débâcle des idées débouche souvent sur une débâcle sociale. Les médecins sont par vocation des tragédiens (la maladie, la mort..., la vocation), habitués aux distributions binaires (la vie/la mort, la santé/la maladie...) comme autant de motivations dans une pièce dont les malades sont les figurants toujours souffrants mais souvent silencieux. Or la société actuelle désire un théâtre plus populaire, plus participatif où les patients sont d'authentiques premiers rôles. Ces changements de logique, de rôles et de décors prennent à contre-pied nombre de confrères déterminés dans leurs choix et formés dans leurs convictions par le modèle précédent. Alors on évoque Hippocrate et on se drape dans une dignité d'autant plus offensée qu'elle se vit comme scandaleusement bafouée. L'heure est au rappel nostalgique de l'époque, encore récente, où la compétence et les résultats, c'est-à-dire la légitimité, suffisaient à fonder cette profession dans sa légalité, c'est-à-dire sa reconnaissance par la loi. Mais plus rien n'est ainsi, la société est ingrate, le public réclame autre chose et les juges vont s'emparer, si ce n'est déjà fait, d'une corporation qui égale la leur par certains pouvoirs exceptionnels (accès à l'intimité, privation de liberté...) conférés à ceux qui l'exercent. La médecine, activité tragique et sacrée, devient un acte de consommation banalisé. De fait, les médecins sont mal à l'aise, ils se sentent suspectés ; or ils ont été formés à être respectés et savent mal rendre des comptes. Au-delà du changement de repères d'une profession, la réflexion doit se centrer sur ce qui induit ce changement, c'est-à-dire l'évolution sociale, et sur ses conséquences au quotidien.