Plusieurs dimensions des cadres intervenant dans la genèse de l'homo occidentalis ont été profondément modifiées au cours des trente dernières. Dans notre culture, on constate un effritement des repères symboliques, ce qu'Irène Théry [17] appelle une « passion de désymbolisation » (cf. également les débats autour du PACS), une quasi disparition des rituels sociaux accompagnant les grands événements d'une vie (par exemple, naissance, mort), destinés - entre autres fonctions - à soutenir les membres du corps social à en limiter les effets douloureux et parfois traumatiques. De même, il y a une augmentation de la sensibilité à la violence, comme le montre la création d'un nouveau délit (le harcèlement sexuel) et d'un nouveau crime (viol entre époux), et les campagnes de prévention de la maltraitance envers les mineurs, l'atteinte de l'enfant devenant le paradigme du mal absolu. On observe aussi une grande facilité d'accès aux figurations de la sexualité (magazines et vidéos érotiques ou pornographiques), un hédonisme et un individualisme mis en avant par les médias qui peuvent correspondre aux aspirations des adultes, mais posent problème dans la formation des enfants chez qui l'apprentissage de la frustration et l'acquisition des savoir-faire sociaux de base (politesse, intégration des institutions et de leurs règles, etc.) sont souvent délaissés au profit de satisfactions plus gratifiantes pour eux.., et pour les parents qui évitent ainsi le conflit avec leur progéniture. Parallèlement, la place de la femme dans la société a radicalement changé. Depuis 1970, les bachelières sont plus nombreuses que les bacheliers et les étudiantes sont également plus nombreuses et réussissent mieux que leurs homologues masculins. Leur accès au travail est devenu très large, même si la situation économique rend les choses plus difficiles actuellement. Enfin, la structure familiale a considérablement changé au cours des trois dernières décennies, tant dans les modalités de la conjugalité - qui s'est précarisée - qu'au niveau des relations parents-enfants, avec une tendance forte à la symétrisation des rapports parents-enfants. Cette tendance à un rapport égalitaire entre parents et enfants amoindrit l'un des éléments fondateurs de l'autorité (la différence des générations) et modifie profondément les transmissions des savoirs au sein de la famille aussi bien dans leur légitimité (« je - père/mère - sais ce qui est bon pour toi parce que je suis ton parent/aîné ») que dans leurs contenus (on apprend pas la même chose à un enfant que l'on pose comme l'égal de l'adulte et à un enfant dont on est séparé par l'écart d'une génération). Cette évolution limite les bénéfices de la relation de tutelle pour les plus jeunes, tout en rendant la tâche des parents plus difficile. Ces changements pourraient, pour une part au moins, rendre compte des modifications si profondes observées dans les comportements sociaux comme privés des enfants et adolescents que nous sommes amenés à voir. Nous allons examiner successivement la conjugalité, la relation parent-enfant et la place de l'enfant, avant de proposer quelques idées sur la place de l'intervention pédopsychiatrique dans ce nouveau cadre culturel et social dans lequel nous sommes immergés.