Chaque année en France, 10 à 15 % des patients traités par anticoagulants nécessitent une chirurgie ou un acte invasif. La gestion du traitement anticoagulant dépend du type de traitement prescrit, du risque thrombotique lié au patient, et du risque hémorragique lié à la chirurgie. On distingue les antivitamines K (AVK)–warfarine, fluindione, acénocoumarol–et les anticoagulants oraux directs (AOD)–dabigatran, rivaroxaban, apixaban.Les chirurgies à risque hémorragique faible peuvent se faire sous anticoagulant. Ce sont la chirurgie de la cataracte, certains actes de chirurgie buccodentaire, certains actes de rhumatologie, endoscopies digestives ou bronchiques diagnostiques. Pour les AVK, il est recommandé de vérifier l’absence de surdosage par un INR récent (7 à 10 jours avant l’intervention). Pour les traitements par AOD, il est proposé de ne pas prendre d’AOD la veille au soir ni le matin de l’intervention. Le traitement anticoagulant est ensuite repris aux horaires de prise habituels.Les chirurgies à risque hémorragique élevé, ou pour lesquels une anesthésie périmédullaire est prévue, nécessitent l’arrêt du traitement anticoagulant. Pour les AVK, la dernière prise a lieu 5 jours avant l’intervention. Un relais par héparine est indiqué uniquement si le risque thromboembolique est élevé : valve cardiaque mécanique, fibrillation atriale emboligène, maladie thromboembolique veineuse récente (< 3 mois) ou récidivante. Dans ce cas, la première prise d’héparine est administrée 24 h (acénocoumarol) ou 48 h (fluindione, warfarine) après la dernière prise d’AVK. Pour les AOD, la dernière prise a lieu 3 jours (rivaroxaban, apixaban, dabigatran et clairance rénale selon Cockcroft ≥ 50 mL/min) ou 4 jours (dabigatran et clairance entre 30 et 49 mL/min) avant l’intervention, sans relais par héparine. Après l’intervention, une thromboprophylaxie est débutée dès que possible (en général dès la sixième heure postopératoire), jusqu’à reprise d’une anticoagulation curative, le plus souvent dans les 48–72 heures.Réaliser un geste invasif à haut risque hémorragique en urgence chez un patient traité par un anticoagulant couvre des situations très hétérogènes. L’optimisation de l’hémostase biologique est obtenue à l’aide de médicaments dérivés du sang (CCP pour les AVK ou pour les AOD antiXa) ou des antidotes spécifiques (idarucizumab pour le dabigatran). Dans tous les cas, l’aide du laboratoire d’hémostase est importante (INR et éventuellement dosage des AOD).