ObjectifRapporter un cas d’intoxication aiguë avec une dose potentiellement létale d’isoniazide suite à une erreur thérapeutique chez un nourrisson de 21 mois.DescriptionUn enfant de 21 mois, pesant 13 kg, aux antécédents d’asthme avec bronchiolites à répétition, dont le père est atteint de tuberculose pulmonaire, se voit prescrire un traitement prophylactique par isoniazide (Rimifon®comprimés) 100 mg 1 fois par jour et rifampicine (Rifadine®suspension buvable). L’enfant, souffrant depuis 2 j d’une toux associée à une asthénie, reçoit en une seule fois 30 cps de Rimifon®50 mg, soit 115 mg/kg (cps écrasés puis dilués dans l’eau), sa mère n’ayant pas compris la posologie. Trente minutes plus tard, l’enfant présente des tremblements et une hypotonie. À son arrivée aux urgences pédiatriques à H1, il est en état de mal épileptique, avec un coma Glasgow 4 et une acidose respiratoire (pH = 6,8, pCO2 = 129 mmHg, pO2 = 71 mmHg, HCO3 = 22 mmol/L, lactates = 4,9 mmol/L). Il est intubé (H2), transféré en service de réanimation, où il est traité par anticonvulsivants (diazépam, clonazépam, midazolam) et vitamine B6 (pyridoxine) sur les conseils du centre antipoison de Marseille. La concentration d’isoniazide à H4 est à 76,1 μg/mL (HPLC-UV). Le lendemain, à J1, les convulsions ont cessé, l’EEG ne retrouve pas d’anomalie, les bilans biologiques hépatiques et rénaux sont normaux, il n’y a pas de rhabdomyolyse, l’enfant est extubé sans complication, puis transféré en neuropédiatrie où l’évolution clinique est favorable. À J3, la concentration d’isoniazide est inférieure à 0,3 μg/mL, le bilan hépatique objective une cytolyse modérée (ASAT/ALAT = 161/39 UI/L) et l’enfant rentre à domicile. Une consultation de contrôle effectuée à J5 retrouve un test tuberculinique négatif et une cytolyse en voie de régression (ASAT/ALAT = 52/66 UI/L). Compte tenu du risque toujours important de contage via le père de l’enfant, il est décidé de réintroduire le traitement prophylactique avec isoniazide forme buvable, qui est sous ATU, toujours associé à la rifampicine. La mère est sensibilisée aux modalités d’administration des médicaments.DiscussionL’intoxication aiguë à l’isoniazide se caractérise par une triade de symptômes : convulsions par carence en pyridoxine cérébrale, résistantes aux traitements conventionnels, acidose métabolique secondaire aux convulsions et coma. Notre patient a bien développé la triade pathognomonique mais avec une acidose plutôt respiratoire probablement du fait de ses antécédents pulmonaires. Une intoxication sévère est caractérisée par une concentration supérieure à 3,2 μg/mL à H2 ou supérieure à 0,2 μg/mL à H6[1]. Une dose d’isoniazide supérieure à 80 mg/kg peut être fatale[2]. Le traitement est symptomatique associé à l’antidote, la vitamine B6 administrée à dose équivalente à la dose d’isoniazide supposée ingérée.ConclusionBien que l’incidence de la tuberculose soit faible en France, sa prise en charge est toujours d’actualité. Comme l’illustre notre cas, le risque d’erreur thérapeutique est important car cette maladie touche essentiellement les populations en situation de précarité telles que les migrants qui ne maîtrisent pas toujours complètement la langue française.