La loi du 9 avril 1898 a consacré le régime de responsabilité sans faute de l’employeur à l’égard de son salarié reconnu par la Cour de cassation dès 1896, et prévoit la réparation forfaitaire des dommages survenus par le fait ou à l’occasion du travail, le salarié renonçant à tout recours en responsabilité civile contre son employeur. Cette indemnisation facilitée déroge au régime de droit commun et aux autres régimes spéciaux, basés sur le principe de réparation intégrale, puisqu’elle ne prévoit pas la réparation des préjudices personnels. La législation sociale a cependant prévu une indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur, dont la définition jurisprudentielle a considérablement évolué depuis l’arrêt Villa jusqu’aux arrêts « amiante ». Poursuivant le double objectif de garantir la sécurité des travailleurs et d’améliorer l’indemnisation des victimes d’accident de travail en se rapprochant du régime de droit commun, la Cour de cassation a considérablement assoupli les conditions de qualification de faute inexcusable de l’employeur. Dans le même temps, particulièrement après la question prioritaire de constitutionnalité QPC 2010-8 qui a « déverrouillé » l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale en ouvrant la possibilité d’une réparation intégrale, elle a précisé le champ de l’indemnisation des victimes de faute inexcusable. En témoignent les quatre arrêts rendus le 4 avril 2012 par la Deuxième chambre civile. Cette double évolution jurisprudentielle relative à la qualification de la faute inexcusable de l’employeur et à l’indemnisation de ses conséquences pose la question de la persistance du régime d’indemnisation forfaitaire.