IntroductionPour faire face au fardeau épidémiologique et économique associé aux troubles mentaux, des soins optimaux sont indispensables. Or les variations de pratique peuvent remettre en cause l’équité, la qualité et l’efficience des soins, dès lors qu’elles ne résultent pas de différences de besoins entre les patients. S’il est estimé que ces variations sont considérables en psychiatrie du fait de l’incertitude clinique et diagnostique, elles sont peu étudiées. Dans ce contexte, notre objectif était de mettre en évidence les variations de pratique en psychiatrie publique française et d’identifier les facteurs associés.MéthodesUne étude rétrospective, portant sur l’ensemble des patients pris en charge dans les secteurs de psychiatrie adulte en 2012, a été mise en œuvre. Les variables utilisées pour illustrer les pratiques ont été extraites du recueil d’informations médicalisé en psychiatrie (RIM-P) et incluaient les taux d’hospitalisation à temps plein et sans consentement de la population desservie et les ré-hospitalisations à 30 jours de la population prise en charge. Des contrôles d’exhaustivité ont été réalisés par croisement des données du RIM-P avec celles de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE). Les facteurs potentiellement associés aux variations de pratique (caractéristiques des patients, des secteurs et de leur environnement) ont été extraits d’un ensemble de bases nationales complémentaires. Le RIM-P, la SAE, la base du recensement, la base des unités urbaines, la base permanente des équipements, le fichier national des établissements sanitaires et sociaux, la base du centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, le PMSI-MCO, la base eco-santé et l’annuaire des professionnels de santé ont ainsi été mobilisé. Afin d’identifier les facteurs significativement associés aux variations, des analyses multivariées (régressions standards ou modèles multi-niveaux) ont été mises en œuvre.RésultatAu total, 624,917 patients (correspondant à 5,573,778 séjours ou actes) étaient pris en charge dans les 531 secteurs de psychiatrie inclus dans l’analyse. Des variations de pratique considérables ont été mises en évidence avec des coefficients de variation systématiquement supérieurs à 50 %. Ces variations n’étaient pas seulement associées à des caractéristiques des patients ou de la population desservie mais également à des caractéristiques institutionnelles des secteurs et des caractéristiques de l’environnement. Elles étaient en particulier liées à certaines caractéristiques de l’offre sanitaire et médico-sociale sur la zone de chalandise des secteurs, tel que le taux de psychiatres libéraux qui était significativement et négativement associé tant avec le taux d’hospitalisation à plein (p = 0,005) qu’avec le taux d’hospitalisation sans consentement (p = 0,027).ConclusionNotre étude, menée au niveau national en recourant à des bases de données de grande dimension, fournit des preuves de l’existence de variations de pratique en psychiatrie publique française, même après ajustement sur les caractéristiques des patients ou de la population desservie. Leur réduction doit représenter une priorité pour les décideurs publics afin d’optimiser les soins. Nos résultats leur fournissent des pistes de mesures pouvant être mises en œuvre, les variations étant notamment associées avec l’offre sanitaire et médico-sociale de proximité sur laquelle des changements peuvent être impulsés à court ou moyen terme.