La réadaptation médicale a besoin de mettre en mots son expérience du quotidien pour ne pas laisser la place libre aux seuls propos du sens commun, au discours attendu compassionnel, comme aux postures utilitaires, associatives et politiques. Or, les difficultés pour aller vers ce but sont multiples, entre : une médecine (médecine physique et de réadaptation) peu valorisée, avec peu de moyens de recherche, dans un champ avant tout clinique centré sur le discours du corps ; une absence de sémiologie explicite, encore en cours d’écriture ; une pratique médicale décalée où le héros du parcours de soins est la personne soignée et non pas le soignant ; une terminologie déficiente et d’une grande pauvreté ; une confusion lexicologique, chaque mot comme « rééducation », « handicap » pouvant accueillir des significations communes et multiples ; un mélange des genres entre le champ médical et le champ social du handicap liée à une absence d’ontologie des handicaps ; et une aimantation des pratiques rééducatives par les schémas médicaux jusque dans les services de réadaptation. Partant d’indicibles « un », comme « handicap » ou « rééducation » nous explorons leur nécessaire partition, segmentation comme condition de leur énonçabilité[1]. D’abord avec la scission du « handicap » de un en deux (la schizie), qui permet la mise en place des acteurs, puis avec la scission de la « rééducation » de une en plusieurs (la fragmentation), pour en décrire l’univers sémantique au travers de la pluralisation des pratiques. L’histoire de ce champ des soins est marquée par cette difficulté à professionnaliser dans une durée historique, dans le temps des générations les soins des corps différents dont les formes et les fonctions sont modifiées. Un point clé est d’aller vers une laïcisation de ce champ de la santé, seul projet garant de son évolution intellectuelle et pratique, au-delà des approches corporatistes et caritatives qui figent l’existant.