Une certaine violence aménagée par les partenaires de l’interaction constituerait une étape obligée dans la construction du Moi du jeune bébé, en tant que premier substrat intégrable relatif au lien avec le partenaire. Nous nous intéressons à des situations interactives jugées, à l’observation directe, satisfaisantes pour les partenaires. La distance dans la relation mère–bébé correspond à la manifestation — accessible à l’observation directe des interactions — de l’effet émergent de la mise en jeu simultanée des investissements réciproques entre des partenaires physiquement réunis. Au cours du premier trimestre, la distribution des investissements mutuels de la relation précoce dépend pour une grande part du maintien des grands équilibres grâce à la mise en jeu du pare-excitations dyadique, instance supra-individuelle résultant des efforts pare-excitatoires conjugués mais variables et asymétriques des partenaires. Nous avons observé, dès le deuxième mois et en dehors de toute exigence pare-excitatoire ou induction d’interaction, des comportements actifs des bébés venant occuper l’espace laissé vacant par l’éloignement (retrait d’investissement) maternel dans la relation et avons interprété ces comportements comme des proto-représentations de l’absence du partenaire en sa présence. Ces observations coïncident avec la disparition du sentiment de violence sur la scène des échanges. Lors de situations favorables, l’inadéquation relative du partenaire dans les soins que représente le retrait partiel d’investissement, synonyme de violence dans la relation, serait ainsi très tôt intégrée par le bébé, ce qui contribuerait à renforcer sa tolérance aux futurs écarts d’ajustement entre les partenaires. L’investissement par le bébé du déplacement d’investissement maternel à son égard apparaît aussi comme une figure de la tiercéité dans les interactions précoces.