IntroductionL’infection àNocardiaest provoquée par une bactérie actinomycète aérobie Gram positif à filaments ramifiés, présente dans le sol, les végétaux en décomposition et l’eau. L’homme peut se contaminer par inhalation ou inoculation directe. Cette infection peut être localisée (peau, poumon, cerveau) ou disséminée.ObservationUn homme de 84 ans, agriculteur, a présenté en 2013 un mélanome anal avec localisation ganglionnaire inguinale droite traitée par curage, compliqué d’un lymphœdème. Une évolution métastatique ganglionnaire, péritonéale et vésiculaire a nécessité un traitement par nivolumab (anti-PD1) puis, en raison d’une progression pulmonaire, par ipilimumab (anti-CTLA4). Après 2 cures d’ipilimumab en décembre 2015, le patient a présenté une hépatite cytolytique de grade 3, traitée par bolus de méthylprednisolone 500 mg/j pendant 3 jours puis relais par corticothérapie orale 3 mg/kg/j. En janvier 2016, sont apparus des nodules cutanés inflammatoires de la cuisse droite sans fièvre, avec biopsie en faveur d’une panniculite neutrophilique, sans argument pour une récidive du mélanome. La corticothérapie était diminuée lentement devant une rémission complète de l’hépatite immuno-médiée, mais avec extension et abcédation des lésions nodulaires sur tout le membre. L’examen direct et la culture des biopsies cutanées profondes pour les mycoses et mycobactéries étaient initialement négatifs. La prolongation des cultures après 5 semaines permettait l’identification deNocardia transvalensis, confirmée en PCR. Le scanner ne révélait pas d’autre localisation. L’évolution était rapidement favorable en mars 2016, sous biantibiothérapie par ciprofloxacine per os et céftazidime intraveineuse pendant 6 semaines, avec relais per os et compression veineuse. Le patient est finalement décédé de la progression pleuropulmonaire de son mélanome.DiscussionLes nocardioses sont des infections survenant habituellement chez des patients immunodéprimés.Nocardia transvalensisest une espèce rare de nocardia, responsable comme les autres espèces du genre, d’infections cutanées localisées ou disséminées. Les formes cutanées primitives, à partir d’un traumatisme ou d’une plaie, se présentent sous forme d’abcès sous-cutanés ou sous forme lympho-cutanée par dissémination lymphatique. Notre patient, agriculteur, jardinait pieds nus, suggérant ainsi une porte d’entrée probable de l’infection. La corticothérapie au long court instituée secondairement à une toxicité grave de l’immunothérapie, et l’insuffisance lymphatique post-curage ganglionnaire, constituaient des facteurs d’immunosuppression locale et systémique. Le lymphœdème expliquait plus particulièrement la présentation clinique atypique de cette nocardiose monomélique.ConclusionLa nocardiose cutanée doit être évoquée dans tout contexte d’immunodépression générale ou régionale, afin de répéter si besoin les prélèvements bactériologiques profonds, pour mieux identifier ce pathogène à croissance lente.