IntroductionLe vitiligo est la cause la plus fréquente de dépigmentation à travers le monde, sa prévalence estimée de 1 %. Aucune étude, à notre connaissance, en particulier au Maroc, n’a étudié la vision de la population à propos du vitiligo. Le but de notre travail était d’explorer les connaissances des marocains vis-à-vis ce trouble pigmentaire.Patients et méthodesIl s’agit d’une étude transversale prospective étalée sur 3 mois entre mars et mai 2015. Cent soixante personnes ont été interrogées au sein du CHU Hassan II de Fès, parmi les visiteurs, les patients et le personnel soignant. Les personnes recrutées devaient remplir un questionnaire anonyme.RésultatsParmi les participants, 50,9 % étaient de sexe féminin, 88 % résidaient en milieu urbain ; 51,4 % des personnes interrogés étaient non scolarisées, une majorité (44,5 %) inactives ; presque 95 % connaissaient le vitiligo, le considéraient comme maladie physique (35 %), simple changement de la couleur de la peau (20,6 %), maladie chronique (19,6 %) alors que 24,8 % ne savaient pas.Concernant les causes du vitiligo, la croyance en une cause surnaturelle était la plus importante (68,1 %). Par ailleurs, la croyance en une cause sociale était présente chez 19,1 % et, en d’autres causes (alimentation, hérédité, anomalies ou lésions de la peau) étaient présentes chez 10,8 % des personnes interrogées. 2 % d’entre elles répondaient « Allah le sait ». La croyance en la contagiosité du vitiligo était quasi-inexistante (90 %). Quand à la chronicité de la maladie, 40 % pensaient que le vitiligo est chronique alors que plus de la moitié ne se prononçaient pas. La majorité des personnes interrogées étaient indifférentes mais 1/3 proposaient une exclusion sociale ; un faible échantillon ne se prononçait pas. Un fait remarquable était le fait que les deux tiers des personnes interrogées, préconisaient le recours à un traitement traditionnel avant de consulter chez un médecin. Ce recours était d’autant plus souvent proposé que le participant était non scolarisé (76,8 %) ou issu du milieu rural (73,9 %). Il pouvait être administré par FKIH, sorcier, charlatans. Le traitement médical était de recours initial chez la population à un niveau d’instruction élevé mais pour 80 % était inefficace alors que 95 % en ignoraient la nature. Enfin, pour une faible population, Jésus était le seul capable de traiter le vitiligo.DiscussionNotre étude démontre clairement qu’au Maroc, un pays qui a constamment vécu dans un système où marabouts et zawayas influençaient la vie des marocains, la modernité qui fait de la science et de la logique, les sources même de toute organisation sociale est encore loin de convaincre une population qui a toujours cru aux sciences occultes. Ces croyances sont intimement liées à l’identité marocaine dans ce qu’elle a de plus anthropologique.ConclusionCette étude souligne plus que tout, l’urgence d’une information suffisante de la population marocaine sur la réalité du vitiligo.