IntroductionL’observation d’un cas associant prosopagnosie et hyperfamiliarité inappropriée pour les visages contribue à la compréhension de la genèse du sentiment de familiarité.MéthodeUn homme, âgé de 67 ans, droitier, ayant pour antécédent une lésion traumatique préfrontale gauche, développa une variété temporale de démence fronto-temporale (démence sémantique) avec atteinte motoneuronale. L’atrophie des lobes temporaux était bilatérale avec une prédominance droite. Il présentait une prosopagnosie associée à une perturbation sévère du sentiment de familiarité : tous les visages, célèbres ou non, donnaient au patient l’impression d’être connus et de correspondre, d’une manière systématique et indifférenciée, à ceux d’acteurs. L’aggravation du trouble sémantique les quatre ans précédant le décès entraîna une impossibilité à identifier également les noms des individus.RésultatsL’analyse neuropsychologique permit d’attribuer cette prosopagnosie à un double mécanisme, associatif (défaut d’accès aux unités de reconnaissance des visages) et asémantique (dégradation ou inaccessibilité des connaissances sémantiques). La coexistence d’une prosopagnosie et de fausses reconnaissances pose la question de mécanismes différenciés pour l’identification des visages et pour la génération d’un sentiment de familiarité. Des dysfonctionnements à divers niveaux des processus de reconnaissance des visages et de ceux présidant à la familiarité peuvent aboutir à des distorsions du sentiment de familiarité. Plusieurs d’entre eux seraient présents chez ce patient.ConclusionNous proposons de compléter le modèle cognitif classique d’identification des personnes, par une voie parallèle connectée au système limbique. Cette voie émettrait normalement des signaux de familiarité en réponse aux visages connus. Ceux-ci, d’abord inconscients, émergeraient à la conscience dans un second temps, puis seraient pris en compte par un dispositif préfrontal superviseur qui les comparerait aux informations sémantiques activées par les visages connus.