… De la dissociation La genèse de la notion de dissociation chez Pierre Janet et ses enjeux
Auteurs : Carroy J1, Plas R2L'élaboration de la notion de dissociation dans les premiers écrits de Pierre Janet ne peut être comprise qu'en rappelant sa double identité de professeur de philosophie, neveu d'un philosophe spiritualiste célèbre, Paul Janet, et de futur médecin dont les maîtres sont Charcot et le philosophe fondateur de la psychologie pathologique française, Théodule Ribot. Car, entre 1885 et 1888, les premiers travaux de Pierre Janet sur les doubles personnalités le situent au coeur d'une controverse philosophique dont les enjeux centraux sont la notion d'unité du Moi chère aux spiritualistes et radicalement contestée par les défenseurs d'une psychologie scientifique, comme Taine et Ribot, ainsi que le statut de l'inconscient : physiologique, psychologique ou, dans la continuité du magnétisme animal, paranormal. À propos des phénomènes de personnalités alternantes présentés par ses deux sujets d'expériences, Léonie et Lucie, nous voyons Janet osciller entre une interprétation impliquant l'existence d'une personnalité inconsciente et la formulation, qui sera fixée en 1889 dans L'Automatisme psychologique, d'une « loi de dissociation » de la conscience propre aux hystériques. Nous montrons que, en fait, ces premières expériences servent à confirmer un réquisit psychophilosophique. Pierre Janet propose en effet une psychologie de la conscience reposant sur la notion de subconscient, qui préserve l'idée d'une unité normale du Moi et qui n'est pas, par conséquent, incompatible avec le spiritualisme dominant dans la philosophie académique.