Le suicide-homicide est un acte aux expressions variées provoquant la mort de deux à plusieurs centaines de personnes. Son occurrence peut se localiser dans la famille (suicide-homicide filicide, suicide-homicide uxoricide, tuerie familiale) ou dans l’espace public comme les tueries scolaires, les multi-homicides suicidaires par avion, ou le multi-homicide suicidaire guerrier dans le contexte de certains actes terroristes. L’article propose une revue de littérature compilant les données scientifiques et les exemples cliniques, et tente de croiser les faisceaux d’observations dont nous disposons. Un examen détaillé des passages à l’acte révèle des processus complexes à l’origine de chaque type de geste, notamment des idéations, des modes opératoires et des altérations mentales spécifiques dans les tueries familiales suicidaires (paranoïa, mélancolie…). Les tueries de masse suicidaires résultent elles aussi de certaines combinaisons psychopathologiques, en particulier des alliances entre des aspects grandioses et dépressifs du sujet, parfois paranoïdes. Le terrorisme suicidaire est quant à lui plus complexe, marqué par des mécanismes d’enrôlement groupal et de conviction idéologique. Au-delà des études épidémiologiques, descriptives et statistiques, l’article tente d’extraire des hypothèses sur le terrain psychopathologique duquel peuvent jaillir des mécanismes criminologiques. En dépit de l’absence ou non de pathologie mentale franche et avérée et selon la forme de suicide-homicide, des éléments paranoïaques, mélancoliques, psychopathiques, narcissiques, paranoïdes peuvent ainsi s’activer et se potentialiser entre eux pour produire une interprétation erronée du monde. La dynamique du passage à l’acte se compose possiblement de comportements préparatoires, de facteurs déclenchants possibles, de l’utilisation de la mort comme soutien narcissique, de choix identitaire, d’une vision hostile de la vie. Le phénomène du suicide-homicide résulte d’un cocktail d’éléments sociétaux, politiques, idéologiques, psychopathologiques et criminologiques qui se combinent pour éclore en un moment paroxystique de geste létal. Les psychiatres et les psychologues ont un rôle à jouer dans la modélisation du phénomène.