Dans la société de l’Est de la République Démocratique du Congo, le père est fondateur de l’identité. Pourtant, la guerre qui sévit dans cette partie du pays a occasionné des viols massifs. Les enfants nés du viol ne sont pas acceptés parce que leur venue au monde bouscule les représentations qui fondent les croyances partagées au niveau social et sociétal. Ces enfants sont rendus responsables d’une question relevant de la préhistoire de leur histoire : être né, enfant d’ennemi. Nous rapportons le cas de Jo, six ans, consulté au camp des déplacés internes de Mugunga, près de la ville de Goma. Il vit avec sa grand-mère qui le présente comme « enfant desInterahamwe ». Bien que sa mère ait fui le domicile alors qu’il avait sept mois et qu’elle reste introuvable à ces jours, Jo affirme qu’elle vit dans telle cité et son père, dans la rue. Dans le monde de Jo, son existence est liée à celle de son père. Pour faire face à cette exigence sociétale, Jo se crée un roman d’enfance, un véritable rêve éveillé sur lequel tient sa résilience. Nous démontrerons comment et pourquoi ce roman d’enfance est fondateur de vie dans cette société patriarcale patrilinéaire.