Nous proposons dans cet article d’appréhender la « santé mentale » non pas comme un concept psychiatrique ou sociologique, mais comme un paradigme organisateur d’une multitude de discours et de pratiques, d’idéaux et de politiques, d’institutions et de métiers. Nous choisissons de suivre deux axes de recherche, visant à :discerner les contoursde ce nouveau paradigme, en évoquant quelques traits distinctifs d’avec le modèle psychiatrique et judiciaire hérité de la Révolution française ;éclairer la généalogiede son émergence dans le discours psychiatrique et psychanalytique, que ce soit par l’internationalisation de la nosographie issue du DSM, l’influence des mouvements de l’antipsychiatrie et de la psychothérapie institutionnelle, ou l’essor de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail : tels sont les deux axes de notre propos. Nous concluons sur la dimension spécifiquement politique de ce paradigme, occultée par des processus d’idéalisation et des dispositifs d’assujettissement non reconnus comme tels, sous le primat d’un déni de la réalité (c’est-à-dire : de la réalité de la castration) qui interdit de penser (et donc de relativiser) la « santé mentale » et les discours et pratiques qu’elle commande.