La clinique des troubles de l'humeur peut prendre des formes atypiques, hermétiques, inaccessibles. La rencontre avec un jeune officier envahi par des pulsions de mort nous amène à nous questionner sur l'origine d'un trouble dépressif d'intensité mélancolique récurrent depuis deux ans. La rupture brutale avec son mode de fonctionnement antérieur, la résistance aux antidépresseurs, l'apragmatisme persistant et un épisode d'errance inexpliqué nous incitent à réaliser une imagerie cérébrale : « Le lobe frontal gauche est dévoré par une masse calcifiée de 6 cm de diamètre. » La comorbidité entre tumeur cérébrale et trouble de l'humeur est rare. Pourtant, leur intrication se révèle ici dans l'ordre du réel, de l'imaginaire et du symbolique. Cette « pierre de folie » cache une béance structurale ancienne. Loin de le guérir, l'extraction de la tumeur confronte notre patient au vide. La prise en charge pluridisciplinaire devra respecter cette fragilité narcissique toujours à la limite du morcellement, ou de l'hémorragie foudroyante.