Lorsque en 1852, après la mort de sa mère, les prodromes de sa maladie apparaissent – emphysème, problèmes nerveux, respiratoires, psychosomatiques? cela reste à déterminer précisément –, Mérimée a 49 ans et il s’est déjà forgé une belle notoriété : il est désormais un historien reconnu, un fameux Inspecteur des Monuments historiques, un littérateur de renom et il s’apprête à assumer de nouvelles fonctions sous l’Empire, comme sénateur. La maladie qui l’affectele fait s’acheminer insensiblement vers sa vieillesse – ou du moins ce que l’un de ses premiers biographes (Pierre Trahard) tient pour tel : le fait est que sa vie et sa carrière se transforment considérablement alors. La vieillesse physiologique qui affaiblit son être l’amène au fond à repenser son rapport à la «sainte» écriture, activité essentielle chez lui. Il vieillit certes, mais en écrivant... et toujours il écrit, mais en vieillissant... Autrement dit, s’il se fait un point d’honneur de préserver, au prix d’un exercice rigoureux, sa faculté de discernement, son intelligence du monde, sa vigueur stylistique – sa correspondance, à laquelle on s’intéresse ici en priorité (pour l’année 1870 ), en est un exemple remarquable –, il a constamment le souci d’entretenir le dialogue avec les honnêtes hommes de son temps, de cultiver sur le mode épistolaire les amitiés qui lui sont chères, de servir à sa façon la littérature, et donc finalement d’œuvrer contre la mort – sans jamais se départir de ce sens de l’humour si impeccable qui le caractérise et se polit admirablement avec l’âge...