En hommage à sa récente disparition, nous rappelons le parcours de recherche particulièrement riche et consistant de Jérôme Bruner, allant de l’investigation de la perception à la reconnaissance du lien social et culturel via la féconde découverte de l’activité cognitive. Dans un deuxième temps, nous scrutons plus avant ses apports cognitifs dans les domaines de la perception, de la catégorisation et de la signification et relevons la trame constitutive de l’apprentissage instrumental au sein de cette activité cognitive qu’il a été le premier à mettre au jour. Il s’agit d’une trame intégrée et opérante, constituée dans l’interaction effective avec l’environnement et ses conséquences éprouvées, une trame confortée aujourd’hui par les neurosciences de l’apprentissage. Par ses modes et ses histoires, nourrie de la reconnaissance de ses normes et de leurs exceptions, investie de ses valeurs respectées ou bafouées, la culture charrie les avatars de l’insertion en société comme autant d’instruments symboliques susceptibles de faire sens et d’orienter l’adaptation collective. En finale, dans un troisième temps, nous confrontons les apports de Bruner à certains des paradoxes que rencontre aujourd’hui la psychologie sociale. En particulier, l’hypothèse d’une cognition « sociale » qui fonctionnerait sur ses propres « traitements », coupée en quelque sorte d’une analyse fonctionnelle de l’interdépendance sociale. En particulier également, le postulat parfois défendu, que l’élucidation du procès de signification serait de seconde zone, comparé aux paradigmes expérimentaux avérés, déclarés porteurs de la seule connaissance « scientifique » bien que coupés du contexte adaptatif. En particulier enfin, la difficulté avérée du secteur, à intégrer ensemble, les dimensions individuelles et culturelles de l’adaptation qui constituent pourtant le terreau de l’échange social et de la communication.