Devenir des abcès cardiaques para-annulaires traités médicalement: tentative d'identification de critères de pronostic favorable.
Auteurs : Tribouilloy C1, Ruiz V, Roudaut R, Eicher JC, Denis B, Lusson JR, Rey JL, Schmit JL, Lesbre JPObjectifs : Tenter de proposer des critères cliniques et paracliniques pouvant faire envisager, sous surveillance, l'essai d'un traitement médical conservateur en cas d'abcès cardiaques para-annulaires. Méthodes : Les auteurs rapportent les résultats d'une étude multicentrique regroupant 28 cas d'abcès para-annulaires mis en évidence par échocardiographie transoesophagienne (ETO) traités médicalement (âge moyen 64 ± 16 ans, 23 hommes, 5 femmes). Dans 9 cas, le choix du traitement médical a été effectué volontairement après discussion médico-chirurgicale ; dans 12 cas, l'intervention a été récusée par les chirurgiens ; 7 patients ayant une prothèse valvulaire ont refusé l'intervention. Résultats : Les patients ont été divisés en 2 groupes ; le groupe I comprend ceux dont l'évolution est favorable sous traitement médical (n = 18), le groupe Il les patients décédés (n=9) ou opérés à distance (n = 1). Le suivi moyen des patients du groupe I est de 33±18 mois, le recul moyen du groupe II de 15±10 mois. L'analyse univariée montre que, dans le groupe l'âge est significativement plus bas (59±18 vs 72±10 ans, p = 0,04), le délai de l'obtention de l'apyrexie sous antibiotique est plus court (4,3±2,8 vs 8,3±2,4 jours, p < 0,0008), l'insuffisance cardiaque est plus rare (5 p. 100 vs 70 p. 100, p = 0,003), ainsi que les fuites valvulaires grade III ou IV (5 p. 100 vs 60 p. 100, p < 0.04), la surface moyenne des abcès en ETO est plus basse (1,5±1,2 cm2 vs 5,4±6,4 cm2, p < 0,03). Par analyse multivariée, les facteurs prédictifs indépendants de la survie sont, par ordre d'importance, l'absence de signe d'insuffisance cardiaque à l'entrée, le délai d'obtention de l'apyrexie, la surface de l'abcès par planimétrie en ETO, l'âge. Si l'on regroupe les Il patients dont la surface de l'abcès est inférieure à 1,5 cm2, sans signe d'insuffisance cardiaque ni de fuite valvulaire de grade III ou IV, dont l'apyrexie a été obtenue en moins de 8 jours sous antibiothérapie, et dont les hémocultures ne sont pas positives à staphylocoque, leur évolution a toujours été favorable avec un recul moyen de 33±10 mois (extrêmes 9 et 78 mois). Conclusion : Un essai loyal du traitement médical peut donc se justifier pour certains abcès para-annulaires. Il ne peut se concevoir qu'en milieu hospitalier sous surveillance clinique biologique et échographique attentive chez des patients soigneusement sélectionnés : apyrétiques en moins de 8 jours sous antibiothérapie, sans signe d'insuffisance cardiaque, sans régurgitation sévère dont l'abcès est de petit volume, stable et inférieur à 1,5-2 cm2, et en dehors du cas d'une endocardite précoce sur prothèse, a fortiori à staphylocoque doré. D'autres travaux sont nécessaires pour mieux préciser les critères cliniques, bactériologiques, échographiques et évolutifs qui permettront d'envisager puis de poursuivre le traitement médical.