ProposLes traitements anticoagulants oraux concernent plus de 1 million de patients en France et constituent la première cause de iatrogénie médicamenteuse. L’apparition récente des anticoagulants oraux directs (AOD) dans la fibrillation atriale (FA) et la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) offre une alternative thérapeutique. Devant l’augmentation croissante de la prescription de ces molécules, comportant de nombreux avantages mais également des inconvénients, il nous a paru intéressant d’évaluer, en pratique médicale hospitalière quotidienne, la proportion de patients pour laquelle l’initiation d’un AOD pourrait se faire en toute sécurité.MéthodesIl s’agit d’une étude prospective observationnelle menée dans un service de médecine interne sur une période d’un an. Tous les patients hospitalisés sous traitement anticoagulant oral ont été inclus consécutivement. Outre les données démographiques usuelles, l’indication du traitement anticoagulant, l’existence de contre-indications et d’interactions médicamenteuses connues pour les AOD ont été colligées, afin de déterminer le pourcentage de patients pouvant bénéficier d’un AOD en toute sécurité.RésultatsAu total, 290 patients ont été inclus avec une moyenne d’âge de 76,3 ± 15,2 ans. La FA et la MTEV représentaient respectivement 67,2 % et 22,4 % des indications du traitement anticoagulant. L’indication des anticoagulants répondait à l’AMM des AOD pour 260 patients (89,7 %). Parmi eux, 79,1 % ne présentaient pas de contre-indication à ces nouvelles molécules et seuls 53,1 % n’avaient pas d’interaction médicamenteuse. La principale contre-indication à la prescription des AOD était une insuffisance rénale sévère (clairance < 30 mL/min) dans 10,7 % des cas. Les antiagrégants plaquettaires et l’amiodarone constituaient, dans notre cohorte, les deux principales interactions médicamenteuses avec les AOD (respectivement 14,5 % et 11,6 %). Presque deux tiers des patients (65,1 %) avaient au moins une interaction médicamenteuse avec les AVK.ConclusionCes résultats, concernant la prescription d’AOD dans la « vraie vie », mettent en garde contre un engouement trop rapide envers ces molécules que sont les AOD. En effet, seuls 53,1 % des patients anticoagulés seraient susceptibles de bénéficier de la prescription d’AOD de façon totalement sécuritaire. La prudence reste donc de mise et les AVK gardent une place importante au sein de l’arsenal thérapeutique des anticoagulants.