L’évolution parallèle des mœurs et de la médecine met en cause les objectifs de la relation thérapeutique. Technique de pointe, l’allogreffe interroge radicalement le sens de la guérison : s’agit-il de redevenir soi ou de devenir autre ? Cet article étudie cette alternative à trois niveaux. D’un point de vue esthétique, la chirurgie de l’allogreffe suppose une définition implicite du corps acceptable, qui introduit une tension entre apport vasculaire, immunodépression et beauté. Jusqu’où privilégier l’un ou l’autre ? D’un point de vue religieux, l’allogreffe participe au désir mimétique : comment le réguler dans une société qui attribue de plus en plus de valeur au corps ? D’un point de vue philosophique, l’allogreffe interroge la relation de la personne au corps : au-delà des aspects techniques, il s’agit de décider, à un niveau personnel et collectif, si l’individu a ou est un corps. Quelle responsabilité assume la médecine, en tant qu’institution et communauté d’acteurs, dans ce choix anthropologique ?