Epidémiologie de Leishmania (L.) infantum, L. major et L. killicki en Tunisie: résultats et analyse de l'identification de 226 isolats humains et canins et revue de la littérature.
Auteurs : Aoun K1, Amri F, Chouihi E, Haouas N, Bedoui K, Benikhlef R, Ghrab J, Babba H, Chahed MK, Harrat Z, Bouratbine ALa situation épidémiologique des leishmanioses se caractérise en Tunisie par la co-existence sur un territoire assez circonscrit (165000 km2, Sahara compris), de 4 formes cliniques distinctes : la leishmaniose viscérale infantile (LV) et 3 formes de leishmaniose cutanée, la sporadique (LCS), la zoonotique (LCZ) et la chronique (LCC). L'identification précise des espèces parasitaires impliquées, en plus des données épidémio-cliniques qu'elle procure, permet de préciser la distribution géographique de chacune des formes suscitées et d'orienter les conduites thérapeutiques et les mesures de contrôle à adopter. 226 isolats, 135 humains provenant de 59 cas de LV et 76 cas de LC, et 91 canins, ont été identifiés par la technique de référence d'électrophorèse des iso-enzymes. Les résultats confirment l'endémicité des 4 formes sus citées. La LCS, limitée au nord du pays, est principalement causée par L. infantum MON-24 (72,2%). La LV qui s'étend au sud de la dorsale dans le centre du pays, présente dans le gouvernorat de Kairouan (36 isolats typés), une proportion particulièrement élevée de L. infantum MON-24. En effet, ce zymodème considéré plutôt dermotrope, y est responsable de 47,2 % des cas vs 13 % dans le reste du pays où le classique L. infantum MON-1 reste prédominant avec 78,3 % des isolats typés, la différence étant statistiquement significative (p < 0,01). Un 3e zymodème, L. infantum MON-80 est mis en évidence de façon sporadique aussi bien au cours de LV que de LCS. Malgré le nombre élevé d'isolats canins (n = 91) provenant de 6 gouvernorats, seul le zymodème L. infantum MON-1 a été identifié, laissant hypothétique le réservoir des 2 autres zymodèmes identifiés chez l'homme. Ces absences pourraient être liées aux biais des cultures, de faible sensibilité pour L. infantum MON-24 et souligne l'intérêt de développer un outil moléculaire d'identification directe sur les prélèvements initiaux sans passer par la culture. Même si la LCZ, causée par L. major, reste la forme cutanée prédominante dans le centre et le sud du pays, L. killicki et la LCC s'affirment présents en dehors de leur foyer originel de Tataouine, dans le sud-est du pays, où les auteurs les avaient cantonnés suite aux premières descriptions dans les années 1980.