Antibioprophylaxie ciblée à large échelle au cours de l’épidémie de choléra de Douala en 2004
Auteurs : Guévart E1, Noeske J, Sollé J, Mouangue A, Bikoti JMIntroduction : parmi les mesures de lutte intégrée contre l’épidémie de choléra de Douala en 2004, la coordination provinciale a décidé d’inclure l’antibioprophylaxie à large échelle des contacts compte tenu du contexte et des risques d’explosion épidémique liés à l’environnement géographique et humain de la ville (surpopulation, promiscuité, insalubrité, soins approximatifs). Les raisons de cette décision seront discutées au vu du suivi bactériologique et de l’évolution de l’épidémie. Méthodologie : description rétrospective du suivi des notifications, de la surveillance bactériologique, de l’enregistrement et du contrôle de la distribution des antibiotiques par les unités de traitement et les comités locaux de lutte contre le choléra. Résultats : apparue brusquement en janvier 2004, l’épidémie a touché 5 020 patients en 8 mois. V. cholerae, isolé 111 fois sur 187 prélèvements, est resté sensible à la docycycline, à l’amoxicilline, aux quinolones. L’antibioprophylaxie a concerné 182 366 personnes (35 contacts/patient). La proportion de contacts parmi les nouveaux cas est passée de 30 % à moins de 0,2 %. Discussion : L’antibioprophylaxie de masse n’est pas recommandée contre le choléra. Elle diminue le risque de choléra-maladie sans empêcher la contamination. Elle est limitée par les contre-indications, les coûts, les modalités d’administration. Elle sélectionne des résistances. L’éradication du vibrion de l’environnement serait illusoire. Le risque de contracter le choléra est imprévisible : il est donc difficile d’évaluer l’impact d’une prévention collective. L’antibioprophylaxie proposée à Douala était ciblée aux seuls contacts et s’intégrait dans un ensemble de mesures communautaires : visite et désinfection domiciliaires, sensibilisation, chloration des puits, sécurisation de l’eau, surveillance bactériologique. Les antibiogrammes étant restés stables jusqu’à la fin de l’épidémie, l’antibioprophylaxie a permis de limiter la transmission interhumaine du choléra, sans un impact démontré sur l’épidémie (contamination massive de l’environnement). Conclusion : à large échelle, une prophylaxie doit rester ciblée, conformément aux recommandations de l’OMS. La rigueur, la régularité, le suivi et l’intégration des interventions demeurent indispensables.