ObjectifsFaire le point sur les différents concepts d'interprétation des troubles acidobasiques ; insister sur le modèle de Stewart en soulignant son intérêt pour la compréhension physiopathologique et les applications pratiques pour ces désordres.Source de donnéesRecueil des références en langue française et anglaise à partir de la base de données Medline®. Les mots-clés utilisés étaient :acid–base balance, hyperchloremic acidosis, metabolic acidosis, strong ion difference, strong ion gap.Extraction des donnéesSélection des données issues d'études prospectives ou rétrospectives, de revues générales et de cas cliniques.Synthèse des donnéesL'interprétation des troubles acidobasiques repose classiquement sur le concept d'Henderson-Hasselbalch, qui explique les variations du pH plasmatique par celles des bicarbonates plasmatiques et/ou de la PaCO2. Cependant, cette approche présente des limites que sont la totale dépendance mathématique entre bicarbonates et PaCO2et l'absence de prise en compte du rôle des acides faibles plasmatiques dont le plus important est l'albuminate. Selon le concept de Stewart, le pH plasmatique est déterminé par le degré de dissociation de l'eau plasmatique qui résulte lui-même de trois variables indépendantes : 1) le strong ion difference (SID) qui est la différence entre tous les cations et anions forts plasmatiques ; 2) la quantité d'acides faibles plasmatiques ; 3) la PaCO2. De ce fait, les troubles acidobasiques métaboliques peuvent résulter d'une modification du SID (diminué en cas d'acidose) ou de la concentration d'acides faibles (augmentée en cas d'acidose), alors que les troubles respiratoires restent toujours la conséquence de variations de la PaCO2. Ces notions physiopathologiques présentent surtout un intérêt chez les patients de réanimation ou périopératoires ayant des troubles complexes. Ainsi, une hypoalbuminémie entraîne une augmentation du SID par baisse d'un acide faible. Si l'on utilise les outils habituels du diagnostic, l'hypoalbuminémie peut masquer une acidose métabolique organique car le pH et le trou anionique seront normaux. L'approche de Stewart permet de faire facilement le diagnostic des deux troubles par le calcul du SID et de la concentration en acides faibles qui seront tous deux diminués, signant l'acidose et l'alcalose métaboliques. Ce concept permet également d'établir le lien entre survenue d'acidose hyperchlorémique et perfusion de solutés riches en chlore comme le sérum salé 0,9 %. Enfin, il permet d'expliquer l'alcalinisation induite par la perfusion de bicarbonate de sodium ou de lactate de sodium. En effet, le sodium contenu dans ces solutés reste dans le sang, alors que les anions lactate ou bicarbonate sont métabolisés ce qui aboutit finalement à une augmentation du SID.ConclusionL'approche classique des troubles acidobasiques, de par sa simplicité, reste en pratique la plus utilisée. Néanmoins, elle fournit des explications physiopathologiques inexactes qui peuvent aboutir à des erreurs diagnostiques en cas de troubles acidobasiques complexes. Malgré une application clinique moins facile, le concept de Stewart permet une interprétation juste et précise et doit devenir la méthode d'approche des troubles acidobasiques complexes.