L’expérience de la douleur corporelle comprend à la fois l’expérience d’une sensation et l’éprouvé d’une émotion. Deux situations cliniques caractérisées par une altération sélective de la composante émotionnelle de la douleur secondaire à une lésion cérébrale s’avèrent particulièrement précieuses pour la compréhension des mécanismes qui sous-tendent l’intégration affective de l’expérience douloureuse : l’asymbolie à la douleur et le tableau neurologique provoqué par la réalisation d’une lobotomie préfrontale. Dans l’asymbolie à la douleur, l’altération de la dimension émotionnelle de l’expérience douloureuse s’accompagne d’une perte du sens de la menace et du danger tandis que la lobotomie préfrontale réduit de façon spectaculaire l’impact affectif des douleurs chroniques les plus intolérables tout en engendrant paradoxalement une exacerbation des réponses émotionnelles lors de stimulations nociceptives aiguës. Ces observations permettent de mieux comprendre les bases cérébrales de l’affect douloureux, en distinguant d’un côté les réactions affectives immédiates et de l’autre la dimension de souffrance liée à la signification de l’expérience douloureuse. Parallèlement, les données récentes de l’imagerie fonctionnelle ont permis de préciser les bases cérébrales de l’affect douloureux et de mieux définir d’un point de vue neurophysiologique les liens qui unissent douleur corporelle et souffrance psychique.