L’évolution des connaissances sur la motricité oculaire est revue au travers de l’expérience de 25 ans de l’auteur dans ce domaine. Les avantages de la vision frontale binoculaire, qui est un caractère commun à tous les prédateurs (comprenant l’espèce humaine), sont d’abord comparés à ceux de la vision latérale, caractérisant les proies. La vision frontale binoculaire impose un parallélisme parfait des yeux, qui est assuré grâce au noyau abducens (VI) dans le pont, contrôlant aussi bien l’abduction que l’adduction. L’exemple pathologique du syndrome « un et demi », dans lequel le noyau du VI et le faisceau longitudinal médian voisin sont simultanément atteints, est rappelé. Les principaux syndromes de la verticalité oculaire sont ensuite revus : en particulier le syndrome nucléaire du nerf moteur oculaire commun (III), dans lequel il existe une paralysie ipsilatérale du III et une hypotropie contralatérale marquée, par atteinte isolée de ce côté des motoneurones du muscle droit supérieur. Puis, un cas de nystagmus battant vers le haut (en position primaire) dû à une petite lésion pontique est décrit. Il est remarqué à cette occasion que, s’il a été rapporté un certain nombre de cas de nystagmus battant vers le haut qui sont dus à des lésions focales du tronc cérébral touchant le circuit de la verticalité vestibulaire vers le haut (VVH), aucun cas de nystagmus battant vers le bas (en position primaire), pourtant plus fréquent en clinique que le premier, ne paraît pouvoir être imputé à une lésion focale du tronc cérébral. Ce dernier nystagmus résulterait d’une hyperactivité du même circuit de la VVH secondaire à une lésion flocculaire et l’hypothèse que ce circuit serait physiologiquement prédominant par rapport au circuit vers le bas, peut-être du fait de la gravité, est développée. Puis, le contrôle cortical des saccades est revu, en rappelant d’abord que les saccades réflexes sont déclenchées par l’aire oculomotrice pariétale et les saccades volontaires par l’aire oculomotrice frontale. L’inhibition des saccades réflexes dépend essentiellement du contrôle exercé par le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL). Enfin, quelques exemples de l’utilisation des saccades comme outil de recherche dans les neurosciences cognitives sont donnés. Les saccades dites mémorisées ont permis d’étudier la mémoire spatiale et d’arriver à une conception originale de son contrôle cortical, dans lequel le CPFDL, le cortex parahippocampique et la formation hippocampique interviendraient successivement dans des tranches de temps spécifiques. Enfin, une expérience d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle est décrite pour montrer l’implication forte aussi du CPFDL dans les processus décisionnels préparant le mouvement. L’intérêt de la motricité oculaire, aussi bien en clinique neuro-ophtalmologique, au lit du patient, qu’en neurophysiologie ou même neuropsychologie, c’est-à-dire en recherche clinique, est souligné.