De nouvelles données pour appréhender les mécanismes d'action des antidépresseurs: l'apport du Escitalopram.
Auteurs : Fabre V1, Hamon MParmi les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), l'énantiomère actif du citalopram, le Escitalopram, présente des propriétés remarquables, en particulier: 1) la sélectivité la plus élevée pour la cible primaire commune à tous ces composés: le transporteur de la sérotonine, et 2) un délai d'action plus court (1 à 2 semaines au lieu de 3-4 semaines avec tous les autres ISRS). La comparaison des caractéristiques pharmacologiques du Escitalopram et du citalopram (racémate) montre que l'élimination de l'énantiomère le moins actif, le R-citalopram, entraîne un gain d'efficacité de la molécule à augmenter la concentration extracellulaire de sérotonine au niveau du cortex frontal (microdialyse) et à induire des effets de type antidépresseur et anxiolytique dans des tests validés chez le rat. En fait, dans le citalopram racémate, le R-citalopram s'oppose aux effets du Escitalopram. Bien que faiblement reconnus par ces composés, certains récepteurs de molécules neuroactives pourraient être impliqués dans les actions différentielles des deux énantiomères du citalopram. Par rapport au R-citalopram (et au citalopram racémate), on note en effet une importante diminution des capacités d'interaction du Escitalopram avec les récepteurs histaminergiques H1 et α1-adrénergiques, ce qui contribue à accroître la sélectivité de l'énantiomère actif pour sa cible primaire, le transporteur de la sérotonine. En revanche, les capacités d'interaction avec les récepteurs sigma (σ1 et σ2) sont globalement accrues dans le cas du Escitalopram comparé au R-citalopram. Comme les agonistes des récepteurs σ1 et σ2 ont des potentialités antidépressives et/ou anxiolytiques dans des situations modèles chez l'animal, cette interaction pourrait rendre compte de la puissance et de la rapidité d'action particulières du Escitalopram comparé aux autres antidépresseurs ISRS. L'analyse approfondie de la nature (agoniste ou antagoniste) des interactions du Escitalopram avec les récepteurs a, voire avec d'autres cibles de molécules neuroactives, ouvre de nouvelles perspectives de recherche sur les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent l'action thérapeutique des antidépresseurs et la physiopathologie de la dépression.