Nécroses cutanées induites par l'héparine : à propos de deux cas
Auteurs : Andolfatto S1, Latger-Cannard V, Maistre ED, Briquel ME, André E, Montange F, Reichert S, Lecompte TLes observations : Mme P. (observation n° 1), âgée de 45 ans, a présenté deux zones de nécrose cutanée : l'une entourant le site implantable pour accès veineux central (figure 1a) (voie pour chimiothérapie en raison d'un cancer épidermoïde du col utérin) ; l'autre au niveau de l'abdomen (figure 1b), en regard de la zone d'injection sous-cutanée de nadroparine calcique, Fraxiparine® (0,8 mL x 2/jour) (traitement d'une thrombose de la veine jugulaire droite et sous-clavière du côté du site implantable). L'interrogatoire de la patiente a permis de trouver une exposition antérieure à l'héparine : elle a reçu pendant un mois de la nadroparine calcique (0,4 mL/jour) à titre prophylactique à la suite d'une fracture du péroné deux mois auparavant et 30 000 UI/jour d'héparine non fractionnée par voie intraveineuse continue du fait d'une thrombose à l'extrémité du site implantable, quinze jours auparavant. La numération plaquettaire réalisée en présence de l'anticoagulant EDTA (éthylène diamine tétraacétique) a montré une thrombopénie (106 x 109/L). L'absence d'amas plaquettaires a été contrôlé à partir du frottis sanguin. La numération plaquettaire en présence de l'anticoagulant citrate était similaire après correction par le facteur de dilution. Devant ce tableau clinique (thrombopénie et nécrose), la nadroparine calcique a été arrêtée avant les résultats des tests biologiques (test d'agrégation plaquettaire et test immunologique positifs). Un traitement par danaparoïde, Orgaran® (750 UI x 6, voie IV) a été mis en place, suivi d'un relais par antivitamine K (AVK). Le traitement par danaparoïde a été stoppé prématurément suite à l'apparition d'un érythème cutané au niveau de l'injection. L'INR (international normalized ratio) étant égal à 1,9, seul le traitement par AVK a été poursuivi. Une remontée des numérations plaquettaires a été observée après l'arrêt de nadroparine (figure 2). Mme W. (observation n° 2), âgée de 67 ans, a reçu de la nadroparine, à posologie prophylactique (0,3 mL/jour), à la suite d'une intervention pour adénocarcinome de l'ovaire. À J8, une reprise chirurgicale pour fistule du grêle a été nécessaire. À J15, la patiente a présenté aux points d'injection une nécrose cutanée avec prurit, douleur et induration (figure 3). La numération plaquettaire réalisée en présence de l'anticoagulant EDTA (360 x 109/L) était dans les valeurs de référence sans aucune variation par rapport à celle réalisée avant l'injection d'HBPM (héparine de bas poids moléculaire) (figure 4). La diminution attendue des plaquettes a pu être masquée par la thrombocytose liée à l'intervention chirurgicale. Bien qu'aucune thrombopénie ne soit présente, il a été décidé d'arrêter l'administration de nadroparine, et de débuter un traitement par danaparoïde, décision confortée par les résultats des tests biologiques : test d'agrégation plaquettaire et test immunologique positifs.