Fréquence et aspects cliniques du trouble bipolaire II dans une étude multicentrique française: EPIDEP.
Auteurs : Allilaire JF1, Hantouche EG, Sechter D, Bourgeois ML, Azorin JM, Lancrenon S, Châtenet-Duchêne L, Akiskal HSCet article présente les données relatives à la population globale de l'étude multicentrique française (EPIDEP) réalisée sur un échantillon national de patients présentant un épisode dépressif majeur (EDM) au sens du DSM IV. L'objectif était d'aider les psychiatres à reconnaître le spectre entier de la bipolarité, notamment au repérage du trouble BP-II. L'étude EPIDEP a été réalisée par 48 investigateurs psychiatres, d'activité privée, publique ou universitaire, dans 15 centres français. Le protocole d'exploration clinique programmait deux visites principales, l'une pour la sélection des EDM et l'autre pour la recherche de la bipolarité atténuée. Ce protocole était basé sur les critères du DSM IV (critères d'EDM et d'hypomanie évalués par des entretiens semi-structurés), les critères d'Akiskal (spectre de bipolarité atténuée) et sur un bilan psychométrique comportant l'échelle Hamilton dépression (+ 8 items Rosenthal), la checklist d'hypomanie de Angst, les EVA de bipolarité de Ahearn-Carroll et les questionnaires des tempéraments affectifs basés sur les critères de Akiskal-Mallya (version française de Hantouche-Akiskal). Les données historiques du trouble, la comorbidité et les antécédents familiaux ont été systématiquement recueillis lors du suivi. Les résultats sont présentés sur la population des 537 patients inclus à la visite 1 et sur les 493 patients (92 %) revus et examinés à la visite 2. Le taux de trouble BP-II qui était de 21,7 % à l'évaluation initiale, a pratiquement doublé (39,8 %) après la recherche systématique de l'hypomanie. La comparaison intergroupes entre les patients BP-II et unipolaires (UP) a mis en évidence: 1) une symptomatologie dépressive différente lors de l'épisode index; 2) un cours évolutif différent avec un début plus précoce, une récurrence plus importante et des nombres d'hospitalisations et de tentatives de suicide plus élevés dans le trouble BP-Il; 3) une reconnaissance diagnostique plus difficile dans le groupe BP-II (avec un faible pourcentage de traitements antérieurs adaptés); 4) une fiabilité diagnostique de l'autoévaluation de l'hypomanie et de la cyclothymie; 5) une dysrégulation tempéramentale plus complexe dans le groupe BP-II (niveaux et fréquences plus importants des tempéraments cyclothymique, hyperthymique et irritable); 6) une fréquence intrafamiliale plus importante de troubles mentaux, en particulier de trouble bipolaire, dans le groupe BP-II. Conclusion: Le protocole de dépistage systématique de l'hypomanie a montré une haute prévalence du trouble BP-II (environ 40 % des dépressions majeures, dont la moitié seulement était déjà connue par les cliniciens). La validité du trouble BP-II a été confirmée par rapport au trouble UP, ainsi que la fiabilité diagnostique de l'autoévaluation de l'hypomanie et de la cyclothymie. Au total, l'étude EPIDEP montre la faisabilité de la reconnaissance du trouble BP-II dans divers lieux d'exercice psychiatrique et propose des outils psychométriques adaptés à la pratique clinique.